J'avais commencé à m'atteler dans la pièce principale de ma Hive, aiguille en main, coupant délicatement l'extrémité de ce fil nacré du bout de mes cornes aiguisées. Le tissu à mes pieds et la ouate à coté, j'avais tout pour achever cette œuvre qu'il me rêvait tant de créer.

Je voulais juste faire une peluche, surement lui offrir avant de m'en coudre une semblable, ornée comme toujours de cet éclatant sourire qui le caractérise tant.

Oui, je voulais juste faire une peluche.
Mais hélas je n'arrivais à rien.

Elle n'était pas moche, mais loin d'égaler sa beauté, loin de lui ressembler, loin de me plaire. Avec une pointe d'agacement je jetais le prototype dans mon dos sous le regard passif de mon Lusus, il me fallait recommencer.

Aiguille en main, fil coupé, traversant le tissu de part en part afin d'en assembler les parties. Cette fois ce serait la bonne, il n'y avait pas de raison.
Je voulais une peluche à son effigie, lui ressemblant comme deux gouttes d'eau. Certains auraient trouvé ça malsain, mais j'aimais a me dire que c'était juste mignon.
Apres tout nous étions amis, peut être plus que ça de mon point de vu, mais amis tout de même.

Je me concentrais chaque seconde un peu plus, tentant de retranscrire ses taches de rousseur le rendant si adorable, ce regard perçant et adoucis a la fois, cette expression sur mon visage lorsqu'il rigole a l'une de mes blagues.

Mais elle n'était rien de tout ça et encore une fois je la jetais derrière moi.
L'un après l'autre les échecs s’enchaînaient et le tissu venait à me manquer, ce serait le dernier essai.

Le fil pénètre d'un coup sec le châle de l'aiguille avant d'y glisser de tout son long. Les extrémités se touchent, puis s'enlacent dans un nœud les empêchant a jamais d'être séparés. Un peu comme nous deux. Une fois que j'aurais cette peluche, il serait a moi cet être que j'aime tant, il serait a moi, littéralement, et pour toujours.

Je pourrais profiter de son frêle corps d'adolescent, contempler son visage absent de toute cicatrice contrairement au mien, et savoir qu'il n'en penserait jamais rien puisque les peluches de pensent pas.
Je tentais d'imiter parfaitement ses deux petites cornes dressées parallèlement sur le haut de son crane, ses cheveux en bataille qu'il me plait de décoiffer chaque fois un peu plus d'un amical coup de main, allant même jusqu'a reproduire ce tee short qu'il arborait sans cesse.
Je tentais de l'imiter mais rien ne me plaisait.
C'était mon dernier échec.
Et je n'avais plus de tissu.

Dans ma main cette aiguille désormais teintée de bleu, glissant dans la chaire de sa dépouille inerte. Dans ma main l'outil de mon œuvre achevée, une bouche cousue, un sourire figé.

Je m'approche de lui, mes pieds nus pataugeant dans cet amas d'entrailles jonchant le sol, peu a peu dévorées par celui qui m'a élevé. Je l'enlace pour profiter des quelques brides de chaleurs persistantes dans son corps, lui ôtant au passage les lunettes encombrant son visage.
J'accompagne ce geste d'un tendre baisé, sans me presser, j'avais désormais tout mon temps.

Je voulais juste une peluche, et je l'ai finalement obtenue.