« Putain c’est quoi ça ? s’énerva le jeune troll.
- La ferme Karkat on va se faire repérer, chuchota la jeune fille assise à sa gauche. »

Nina raffermit sa prise aux branche de l’arbre et se pencha un peu plus en avant pour voir se qu’il se passait. Il semblerait qu’un bataillon de l’armée soit en train de manœuvrer à l’orée de la forêt, c’est à dire à même pas cinq cent mètre de leur perchoir où les deux jeunes gens étaient jusqu’à présent en train de récolter des châtaignes. Le tout était de savoir de quelle armée il s’agissait.

Nina se pencha un peu plus pour essayer de voir l’emblème des porte-drapeaux et ripa sur l’écorce lisse de l’arbre. Elle se sentit tombé pendant moins d’une seconde avant d’être tiré en arrière par le col de sa chemise. La jeune fille aux cheveux blonds retrouva son équilibre et soupira de soulagement.

« Et c’est moi qui risque de nous faire repérer, chuchota rageusement Karkat. »

La jeune fille roula des yeux l’air de dire que ce n’était pas sa faute mais celle de la branche.

« Tu sais bien que tu parles trop fort Karkitty, le taquina-t-elle en lui ébouriffant les cheveux.
- Arrêtes ça tout de suite, siffla-t-il en fronçant les sourcils encore un peu plus à son attention.
- Jamais, conclu-t-elle en commençant à descendre.
- Eh, on ne sait même pas de quel camp ils sont ! la rappela le troll.
- C’est pas en restant ici qu’on le saura. On risque juste de se faire prendre. Essayons de nous éclipser discrètement. »

Il grommela mais descendit tout de même à sa suite en faisant attention à ne pas laisser tomber leur récolte interrompue de châtaignes.

Karkat était un troll, il avait la peau grise et des cheveux noirs et deux petites cornes arrondies virant du orange au jaune sur la tête. Il portait une large cape noire pour se protéger des rayons du soleil, les yeux jaunes des trolls et leur peau étant sensibles à la lumière.

Nina savait que d’où ils venaient, leur soleil était si proche et lumineux qu’il brulait les imprudents qui ne s’étaient pas cacher du jour. Les trolls étaient donc des créatures nocturnes qui voyait aussi bien la nuit qu’elle en pleine journée. Même si le soleil de son monde à elle était bien moins agressif, tous les trolls qu’elle connaissait préféraient l’obscurité.

Ils se déplacèrent d’arbre en arbres, prenant soin de se cacher le plus possible à la vue d’un quelconque observateur provenant de l’orée de la forêt, jusqu’à ce que la troupe ne soit plus visible. Si c’était des soldats de l’Union où du Royaume de Rey, ils n’avaient pas grand chose à craindre, mais si c’était des hommes de l’Empire du Levant où pire de la Congrégation du Sud, ils n’étaient pas sûr de rester en vie bien longtemps. Et Karkat avait bien plus à craindre que Nina.

Les trolls étaient arrivés il y a à peine cinq ans, descendant du ciel dans ce qu’ils appellent des vaisseaux. Trois d’entre eux étaient parvenu jusqu’à la planète de Nina, fuyant leur monde en ruine sur le point d’être avalé par leur propre soleil se transformant en Géante rouge. Alors que 8 étaient parti de leur monde natal, mais ces machines géantes capables de voyager dans les étoiles pouvaient transporter plusieurs milliers de trolls. Au final, 823 mille trolls ont atterri sain et sauf dans la plaine volcanique des montagnes noires.

« Tu sais, j’était en train de me dire que vous aviez eut de la chance d’atterrir au nord du continent et pas au sud, dit la jeune fille aux anglaises blondes.
- Ouais, merci je suis au courant je te signale, répondit Karkat, sarcastique.
- Je ne comprend toujours pas pourquoi ça à mal tourné. Non, mais c’est vrai, on vous à offert des terres inutilisées où aucun humain, magiciens ou gobelins ne vit. Des terres qui sont principalement des forêts et qui jusque là n’appartenaient à aucun Pays. Et aucun Pays n’a fait valoir des droits dessus lors des réunions internationales.
- Tu sais bien que ce n’est pas ça le problème, soupira Karkat en écartant quelques branches de son passage.
- C’est quoi alors ? Le fait que vous ne soyez pas de notre monde ? Que vous ne nous ressemblez pas ? Que vous êtes des méchants démons sortit des enfers pour manger les enfants ? »

Il roula des yeux, exaspéré.

« On a déjà eu cette conversation, pourquoi est-ce que tu me répète tout ça Nina ?
- J’sais pas. Peut être parce que j’ai honte de mes semblables. Je veux dire, vous venez de perdre votre monde, votre maison, vous errez des l’espace pendant plusieurs années et vous avez toute une société à reconstruire. Je ne vois pas où vous pourriez trouvez le temps d’être une menace pour nous. »

Karkat grommela.

« Oui, on peut dire principe de précaution. M’enfin, vous êtes plus forts que n’importe quel humain ou magiciens. Et puis ce qui me sidère le plus c’est qu’on à déjà eu des problèmes avec d’autres espèces par le passé et on sait très bien comment ça c’est terminé. Tu sais que les gobelins étaient des guerriers redoutables avant de devenir les rois de la non-violence et de l’altruisme ?
- Non j’ai pas vraiment eu le temps de lire vos livres d’histoire, ricana-t-il.
- Oui, bon. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a 900 ans il y a eu une guerre qui c’est terminée par l’exode de toute une espèce vers un autre continent. C’était une espèce amie et les pays qui vous font la chasse le savent vu qu’ils ont été fondé par des descendants de mon pays. Donc je ne comprend toujours pas pourquoi ?
- C’est bon t’as fini ? C’est pas que tu commençais à me casser les oreilles mais c’est pas vraiment agréable d’écouter encore et encore les mêmes phrases semaines après semaines.
- Mais Karkitty…
- Arrêtes de m’appeler comme ça !
- Mais tu me donne jamais ton avis aussi !
- Tu veux que je te donne mon avis ? »

Nina acquiesça.

« Pourquoi tu te pose la question alors que tu sais très bien que c’est à cause de l’accident avec les larves. Ces humains ont tué des gosses, merde ! Forcément que ça allait pas passer auprès des trolls ! Putain mais ouvre les yeux Nina ! Pourquoi t’es dans la résistance si tu sais pas ça ?! »

Karkat tourna les talons et continua son chemin énervé. Nina desserra lentement les dents. Elle avait l’habitude que son ami cri sur tout et tout le monde, mais elle on lui avait déjà passé des savons plus agréables.

Après deux heures de marche dans un silence tendu, les deux jeunes gens arrivèrent enfin au quartier général. Coincé entre deux escarpements étroits, surveillés par une dizaine de personnes, hommes et trolls confondus, l’endroit où résidait la résistance n’était pas vraiment un paradis, mais au moins ils étaient à l’abri des différentes factions.

Un petit défilé amenait à une vallée en cercle où étaient construites plusieurs maisons et divers baraquement dont la communauté avait besoin. On y trouvait en plus des habitations, une écurie, une forge, un grenier, une salle d’arme et une petite école. Il y avait vraiment différentes sortes de personnes dans leur communauté et ils n’aspiraient qu’à l’entente entre leurs deux espèces, mais sans vouloir participer activement aux conflits.

Karkat rentra dans une petite maison basse dont les volets étaient hermétiquement fermés, suivit de Nina qui trainait un peu les pieds. Ils habitaient là avec plusieurs amis, dans une cohabitation plutôt mouvementée.

« On est rentré fuckass ! annonça poliment le petit troll en faisant une entrée fracassante dans la pièce commune. »

Malheureusement pour lui, il n’y avait que Gamzee de présent. Le grand et tranquille Gamzee qui lui offrit un grand sourire, pas le moins du monde perturbé. Nina pouffa et Karkat lui retourna un regard noir.

« Salut Gamzee, comment tu vas ? demanda la jeune fille en rangeant la nourriture dans le garde manger.
- Je vais putain de bien ma soeur, répondit-il de sa voix grave et douce.
- T’es sûr, hein ? insista Karkat en l’étudiant de haut en bas suspicieusement.
- Parfaitement bien mon frère.
- Bon, super, ok, conclu Karkat en s’affalant sur le canapé à côté de son meilleur ami. »

Un canapé, c’était bien une des choses que les trolls avaient démocratisées en arrivant. La jeune fille ne se rappelait pas en avoir eux avant d’arriver ici. Il faut dire que les trolls étaient beaucoup plus avancés qu’eux technologiquement et avait un confort de vie plus élevé avant d’arriver sur sa planète. D’ailleurs, l’un de ses colocataires fabriquait des objets bizarres dont Nina ne comprenait pas vraiment à quoi cela servait.

Elle s’assit de l’autre côté du canapé, pour profiter d’un moment de calme avant de reprendre les corvées habituelles. Karkat regardait encore son meilleur ami d’un air inquiet. Elle n’avait jamais compris pourquoi il s’inquiétait autant pour lui, car Gamzee était un troll plutôt gentil, même s’il était parfois bizarre avec son maquillage de clown et  franchement impoli.

« Qu’est-ce que tu faisais avant qu’on arrive ? s’interrogea-t-elle.
- J’étais en train de penser qu’un putain de miracle serait le bienvenu. Et tu sais quoi, ce serait un putain de miracle si je pouvais faire une tarte ma sœur.
- On n’a pas de slime Gamzee, intervint Karkat.
- Honk.
- Mais il doit rester du faygo dans le placard si tu veux.
- Ouais, envois une putain de bouteille. »

Karkat parti chercher la boisson favorite de son ami et la lui ramena en grommelant. Le grand troll aux cheveux fou déboucha la bouteille et la porta à sa bouche. Karkat qui ne s’était pas rassis se pencha vers Nina l’air sérieux.

« Je peux te parler deux minutes ? chuchota-t-il. »

Nina fronça les sourcils, l’air interrogative. Ça ne devait probablement pas être pour s’excuser pour la conversation de toute à l’heure, qu’est-ce qui pouvait le pousser à lui demander de parler seul à seule ? La jeune fille aux yeux bleus hocha la tête en guise d’assentiment et se dirigea vers la salle de bain suivi de Karkat.

La pièce était petite et construite dans le flan de la colline. Il y avait un bassin, un petit poêle, une chaise et un coffre qui renfermait des serviettes. Nina s’assit sur le bord du bassin et attendit que le troll prenne la parole.

« Il reste moins de dix bouteilles de faygo, commença-t-il tout à trac.
- Et ? demanda Nina, ne voyant pas où il voulait en venir.
- Et bien, de ce que j’en sais ce truc agit sur les trolls comme l’alcool sur les humains. Donc on va avoir un problème si on tombe à court.
- Je ne comprends pas où est le problème. C’est surement mieux si Gamzee arrête de « picoler », non ? »

Il la regarda ahuri. Puis se mit à grommeler.

« Forcément, on ne t’en a jamais parlé. C’est juste qu’il vaut mieux que Gamzee reste dans cet état. Il consommait du slime soporis avant. Le truc dans lequel les trolls dorment et qui n’est pas très conseillé à ingérer si tu veux rester lucide. Mais on n’en a plus depuis un bout de temps. Enfin, il paraît qu’il y avait quelques réserves dans les vaisseaux, mais je ne sais pas ce que c’est devenu. Tout ça pour dire que le faygo c’est une solution provisoire et qu’on va être à court et là j’ai peur d’imaginer se qu’il pourrait se passer.
- Attends, t’es en train de me dire que Gamzee est constamment drogué ?
- « Était » serait plus approprié, mais oui c’est ça.
- Et tu as peur qu’il fasse quoi au juste, à par être en manque je ne vois pas trop ce qui pourrait lui arriver. Oh, c’est pour ça que tu le surveilles constamment, réalisa-t-elle en frappant dans ses mains.
- Ouais, ouais, c’est pour ça. Et merde, non il ne risque pas d’être juste en manque. Et franchement si on pouvait éviter d’avoir des problèmes en plus ça m’arrangerait vraiment. Tu ne connaîtrais pas des drogues humaines ? »

Nina écarquilla les yeux, complètement prise de cours par une telle question. Elle savait qu’il y avait des substances qui vous plongeait dans un état second ou provoquait des hallucinations, mais elle avait appris ça en cours d’herbologie quand elle allait encore à l’école.

« Hum, euh, non. Je connais des plantes qu’on utilise pour soigner, mais je ne pense même pas que ça marcherait pour un troll. Et je ne connais personne qui consomme de la drogue. »

Karkat soupira et se pris la tête entre les mains l’air désespéré.

« Et avec la magie ? Tu ne pourrais pas essayer de dupliquer les bouteilles ou quelque chose comme ça ?
- La bouteille oui, mais pas le contenu, se désola la jeune fille. Mais je peux essayer d’analyser le contenu. Peut être qu’on arrivera à en reproduire avec les matières première adéquate, essaya-t-elle de le rassurer.
- On peut essayer. Merci, dit-il avec une esquisse de sourire. »

Nina eu un arrêt de deux secondes. Sourire. Karkat.

« Oh mon dieu ! Recommences !
- Quoi, de quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? demanda le troll interloqué.
- Tu as souris. »

Silence.

« J’en reviens pas. Ça c’est une nouvelle à annoncer, affirma la jeune fille en sautant sur ses pieds de bonne humeur.
- Comment ça à l’annoncer ? Qu’est-ce que tu prépares encore comme connerie ? demanda suspicieusement le troll les bras à présent croisés et les sourcils froncés. »

Nina eu un sourire en coin.

Elle bondit soudainement sur Karkat et lui embroussailla fortement les cheveux avant de se précipiter dans la pièce commune en chantant « Karkat à sourit ! », suivit par un troll furieux et rugissant.

Le calme qui régnait jusqu’alors dans la pièce fut brisé par l’irruption violente d’une blondinette riant aux éclats et d’un troll passablement énervé. Mais cela ne dérangea pas le moins du monde les quelques personnes présentent dans la pièce qui continuèrent leur affaires comme si de rien n’était.

Gamzee le regard dans le vague n’esquissa pas un geste. Rose se contenta de lever les yeux par dessus le bord de sa tasse de thé. Et Jade et John continuèrent de laver les légumes provenant du jardin.

Tout en essayant de se mettre à l’abris derrière Gamzee, Nina lança à la cantonade sa découverte du jour.

« Hey ! Vous savez quoi ? Karkat sait sou-ri-re !
- Ferme-la espèce de larve ! Si tu pouvais arrêter de dire des conneries toutes les deux minutes ça ferait des vacances à tout le monde et particulièrement à moi. Et arrêtes d’essayer de me décoiffer, merde ! Et par la même occasion de me donner des putains de surnoms ridicules ! Non mais, assume un peu au lieu d’essayer de te cacher derrière gamzee ! Mais bien sur, je te vois pas à te tordre de rire derrière lui ! Il est bien trop grand… »

Etc, etc, avec une petite tonne d’insulte en plus. Nina était encore plus morte de rire. Énerver Karkat faisait parti de ses hobbies favoris. Et elle n’était pas la seule que ça amusait. Rose affichait un sourire en coin.

« Hum, Karkat tu devrais te calmer, tenta de temporiser John.
- Ferme-là toi aussi ! Comme si j’allais là laisser faire ! répliqua aussitôt le petit troll en fusillant le jeune homme brun aux yeux bleus du regard, avant de retourner incendier Nina. »

Jade leva les yeux au ciel l’air exaspéré par la crise de colère. Gamzee souriait gaiement et Nina avait du mal à reprendre son souffle à force de rire.

« Et on peut savoir ce qu’il s’est passé pour que cet adorable troll sourit ? demanda Rose, toujours avec son sourire en coin.
- C’… C’est, Nina butait sur les mots à court de souffle.
- Que s’est-il donc passé entre vous deux, seuls, dans cette salle de bain ? ajouta la jeune fille blonde à la coupe au carré, affichant un regard suspicieux, toujours en souriant. »

Nina rougit.

« Ça… Ça n’a rien à voir…
- De quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? demanda tout d’un coup Karkat après s’être rendu compte du changement de comportement de Nina.
- Je sous-entendais le remplissage d’un objet que les humains aime utiliser pour faire le ménage, contrairement aux trolls, expliqua Rose le plus sérieusement du monde. »

Cela pris deux secondes pour qu’il comprenne ce que voulais dire la jeune fille et ses joues grises prirent une jolie teinte écarlate.

« Non… Mais… Je… Ça va pas la tête ?! cria-t-il à l’encontre de la jeune fille. »

Karkat tourna les talons en continuant à attribuer des noms d’oiseaux à tout le monde. Il sortit de la pièce en claquant la porte. Le calme revint enfin dans la pièce.

« Franchement je ne sais pas si je dois bien le prendre ou pas là ? s’interrogea Nina perplexe.
- Ne fait pas attention, lui conseilla Jade. Tu sais bien qu’il dit à peu près tout et n’importe quoi quand il est énervé comme ça. Je ne prendrai pas au sérieux ce qu’il dit si j’étais toi.
- Mouais, n’empêche que c’est un peu vexant quand même. »

Nina s’affala pour la deuxième fois de la journée sur le canapé à côté de Gamzee, qui n’avait pas bougé depuis tout à l’heure, à part que sa bouteille de faygo était à présent vide. Nina soupira car elle devrait se réconcilier avec Karkat pour pouvoir travailler sur le problème qu’il venait de lui soumettre. Peut-être que le taquiner n’avait pas été la meilleure idée du monde, mais l’ambiance était plutôt lourde et Nina n’aimait pas ça. Elle préférait détendre l’atmosphère pour être plus à l’aise, mais cela n’avait pas vraiment marché en fait. Au moins il ne penserait plus au problème Gamzee pendant quelques heures se rassura-t-elle.

Rose alla laver sa tasse et s’installa pour lire un nouveau livre à la couverture noire et passablement abîmée. La jeune fille était blonde aux cheveux courts, ses yeux étaient un peu étranges, tirant sur le violet. Elle portait une tunique orange ornée d’un soleil stylisé, un pantalon noir et des bottes en cuir noir aussi. Elle lisait des livres vraiment bizarres et pouvait même décoder des langues étrangères comme celle des gobelins ou des elfes. Parfois Nina se demandait si ce n’était pas des livres de magie noire, mais cela paraissait très improbable vu le peu de livre qu’ils possédaient dans la résistance.

Jade avait commencé à préparer le diner. La jeune fille aux longs cheveux noirs et aux yeux verts adorait jardiner. Et comme elle ne voulait pas qu’on sabote ses précieux légumes, c’est elle qui prenait en charge la cuisine pour la maisonnée. Et en plus elle était plutôt forte à la chasse, elle maniait l’arc à la perfection, malgré ses énorme lunettes noires. Jade était donc leur assurance de manger à leur faim tous les jours.

John, le frère jumeau de Jade, s’occupait de dresser la table. Il avait lui aussi les cheveux noirs, mais ses yeux étaient bleus et il s’habillait souvent dans cette couleur. Le jeune homme adorait inventer des sorts pour voler, mais il n’arrivait franchement pas à un résultat concluant et finissait souvent par tomber la tête la première au sol. Heureusement qu’il ne tombait pas de haut.

Ils étaient quatre humains et trois trolls à partager la maisonnette. Ça faisait beaucoup de monde au même endroit, mais au moins on ne s’ennuyait jamais. La dernière résidente était Nepeta, une petite troll au sang olive qui avait tout d’un chat. Et d’ailleurs elle attirait souvent ceux du quartier. Nina l’aimait bien et elles s’amusaient souvent à prétendre que Nepeta était vraiment un chat. Une fois Nina avait trouvé un sort pour faire pousser de vraies oreilles de chat éphémères et elles avaient joué le jeu pendant toute la journée, ce qui avait amusé ou exaspéré leurs amis.

Toutes les autres maisons étaient aussi occupées par des humains et des trolls. La mixité était obligatoire dans la résistance, cela permettait de renforcer les liens inter-espèces. Il y avait peu d’enfant dans leur cachette au fond des bois et la plupart étaient humains. Il n’y avait que trois jeunes trolls avec leur lusus – qui tiennent lieu de parents pour eux – qui vivaient parmi eux. Mais aucun au stade larvaire. Et tous les trois avaient à peu près 12 ans, enfin c’est ce que Nina en avait déduit après que Nepeta lui ait expliqué à quoi correspondait une année troll en année humaine, approximativement. Selon le même calcul ses amis avaient à peu près son âge, c’est à dire 17 ans.

Lorsque le repas fut prêt, Nepeta les rejoignit et ils dînèrent ensemble dans la bonne humeur. Seul Karkat manquait à l’appel, il semblerait qu’il boudait dans son coin. Jade envoya Gamzee le voir à la fin du repas. Étant son moirail, il pourrait faire en sorte que le troll grincheux ne le soit plus. Heureusement que Jade était là pour préserver l’entente du groupe, sinon ça aurait tourné au pugilat depuis longtemps.

Nina voyant la leçon se profiler à l’horizon, elle feinta Jade et monta dans sa chambre avec une bouteille de Faygo subrepticement prise dans le placard. Elle savait bien qu’elle devait s’excuser auprès de Karkat, parce qu’elle avait un peu – rien qu’un peu – exagérée. Mais si elle venait avec une partie du problème de son ami résolu, cela le mettrait dans une meilleure disposition pour écouter ses excuses. Enfin, il n’y en avait peut être pas besoin, mais ça la rassurerait un peu. Il ne pourrait pas lui en vouloir si elle l’aidait, si ?

La jeune fille blonde partageait sa chambre avec Nepeta, mais elle savait que la jeune troll n’allait pas l’embêter ce soir. Son côté chat et le fait qu’elle soit une troll faisait qu’elle aimait se promener la nuit. Elle s’attaqua donc à découvrir la composition de la boisson préférée de Gamzee.

La nuit avançait et Nina n’avait pas trouvé grand chose à part de l’eau et du sucre. Comment la chose pétillait, avait cette couleur et ce goût était encore incompréhensible à ses yeux. Au pire pour la couleur, elle pouvait utiliser une plante qui donnerait cette teinte, mais pour les bulles… Nina se pris la tête entre les mains et soupira. Elle était complètement crevée et ce n’était pas comme ça qu’elle arriverait à trouver quelque chose. Une bonne nuit de sommeil, voilà ce qu’il lui fallait.

Nina se leva et commença à ranger les affaires trainant sur le sol. La chambre était petite avec deux lits, deux malles pour les affaires personnelles, un petit poêle et une table avec une chaise placées sous la fenêtre entre les deux lits. Le son grave et fort d’une corne de brume retenti dans la nuit. Nina sursauta et se précipita à la fenêtre, à présent parfaitement réveillée.

Les lumières se rallumaient rapidement aux fenêtres des maisons. Les gens sortaient précipitamment armes au poing, et convergeaient vers l’entrée de la vallée. Nina s’empara de sa dague sous sont lit et sortit de sa chambre, percutant John qui traversait le couloir à toute allure. Ils échangèrent un regard inquiet et se précipitèrent en bas d’un même mouvement.

Quasiment tout le monde était sortit, se demandant se qu’il se passait. Car sonner l’alarme n’annonçait jamais une bonne nouvelle.

Nina et John rejoignirent leurs colocataires, demandant s’ils savaient pourquoi l’alarme sonnait. Rose, ses deux baguettes magiques en mains, leur fit signe que non, lorsque Nepeta arriva en bondissant au milieu du petit groupe.

« Où est-ce que t’étais encore passée Nep’ ? demanda Karkat qui avait lui aussi ses deux faucilles prêtes à servir.
- Chasser dans les bois, répondit-elle haletante. Il y a du mouvement purr là-bas. Quelque chose comme une embuscade appurremment. »

Nina n’eut pas le temps de poser sa question que l’ordre de se mettre en position cingla l’air. Tout le village prit position aux endroits stratégiques à défendre. Nina couru rejoindre l’angle entre l’écurie et un pan de roche saillante, non loin de l’entrée de la vallée. Nepeta, Jade et John la suivirent aussitôt. Nepeta grimpa sur le rocher et sortie ses griffes, prête à bondir sur le moindre ennemi. Jade tenait son arc prêt à l’emploi et John s’occupait de préparer un sort de balayage aérien.

Le silence tomba d’un coup sur la vallée, on n’entendait plus que le bruit du vent dans les branches. La faible luminosité des lanternes éclairait vaguement l’entrée de la vallée, on distinguait à peine la forme des premiers arbres. Une chouette hulula. Nina pouvait entendre les battements de son cœur. Jade respirait lentement à côté d’elle, concentrée sur le défilé noir devant elle. La jeune fille blonde pouvait entendre John murmurer à côté d’elle, se rappelant les étapes du sort. Elle sentait la tension autour d’elle et l’angoisse qui lui étreignait la poitrine. Elle n’avait jamais eu à attendre le combat comme ça, même si ce n’était pas la première fois qu’elle se battait. Il y avait eu plusieurs échauffourées avant qu’elle parvienne à rejoindre la résistance avec ses compagnons de voyage. De plus ils étaient placés juste à l’entrée du village, car ils faisaient parti des meilleurs combattants, mais cela voulait aussi dire avoir la responsabilité de défendre ceux placés en arrière. Et Nina était certes forte pour manier une dague, mais contre des soldats aguerris, elle doutait vraiment que cela soit efficace. Encore plus si ces soldats étaient des trolls. Adultes.

Pendant quelques minutes de plus le silence oppressa leurs oreilles, puis le son d’une cavalcade, branche craquants et feuilles mortes bruissant, se firent entendre. Puis des cris indistincts résonnèrent, les personnes courant se rapprochant dangereusement. Mais il y avait quelque chose de bizarre, une sorte de pressentiment. Nina croisa le regard de Karkat qui était positionné de l’autre côté de la passe avec son groupe, captant le reflet d’une torche dans ses yeux.

Jade encocha une flèche à son arc s’apprêtant à tirer sur ce qu’elle verrait. Nina savait que les trolls voyaient beaucoup mieux qu’elle la nuit. Elle jeta un coup d’œil interrogatif à Nepeta, puis à Karkat. Tout deux lui firent signe qu’ils ne savaient pas encore. Surement à cause des arbres leur bouchant la vue.

Soudain des formes grises jaillirent des arbres et Nina entendit Karkat, Nepeta et un autre troll pousser une exclamation de surprise. Aussitôt la jeune fille saisit l’arc de Jade et le baissa de toutes ses forces.

« Nina ! s’exclama la brune.
- Ne tire pas ! Ils ont l’air d’être des fugitifs, en plus tu as entendu les trolls.
- Fugitifs ou pas, ils approchent rapidement, les alarma John. »

Nina reporta son regard vers l’entrée, tenant toujours l’arc de Jade de sa main gauche et sa dague de la main droite. Elle raffermit sa prise sur cette dernière.

« Nepeta ? demanda Jade.
- Quoi ? Oh ! Je ne sais pas, ce sont des trolls et des humains, mais ils ne sont pas habillés comme des soldats et… Et il y a des trolls aquatiques ! s’exclama de surprise la jeune troll au bonnet bleu.
- Merde, jura Nina. »

Si c’était des trolls aquatiques, il y avait peu de chance pour qu’ils veuillent rejoindre la résistance. D’après ce qu’elle savait, les trolls aquatiques faisaient partit de la plus haute classe d’après la couleur de leur sang.

Les premiers individus n’étaient plus qu’à dix mètres quand quelqu’un cria :

« Ne tirez pas !
- Rester où vous êtes ! ordonna Jade qui avait dégagé son arc des mains de Nina et visait les premiers arrivés. »

Ils se stoppèrent à cinq mètres d’eux. Ils étaient peu nombreux, les derniers arrivants, essoufflés, montaient leur nombre à une douzaine. Hommes et trolls. Ils portaient des habits civils et certains paraissaient blessés. Un troll se tenait le flan, du sang violet coulant entre ses doigts, il était soutenu par une fille troll. Tout les deux avaient des sortes de nageoires à la place des oreilles.

Nepeta poussa une nouvelle exclamation de surprise et sauta de son rocher, de même que Karkat qui s’avança à la rencontre des arrivants.

« Karkat ! Nepeta ! Revenez à vos emplacements ! ordonna Jade.
- Merde non ! On les connaît Jade, répondit Karkat.
- Et alors ? On ne sait pas ce qu’ils veulent. »

Nina attrapa Nepeta par le bras et la ramena en arrière, à l’abri. Rose qui faisait parti du groupe de Karkat le ramena par le col sous une pluie de protestation.

« Alors ? interrogea Jade à l’intention du groupe, toujours l’arc bandé. »

Légèrement derrière elle, John était concentrée sur son sort, qu’il jetterait s’il y avait le moindre danger. Un homme s’avança en avant du groupe. Il portait une large cape brune à capuche par dessus un veston vert et un pantalon mordoré. Son visage semblait plutôt fin et une mèche de cheveux blonds barrait son front. Il pris la parole et Nina reconnu la voix qui leur avait demandé de ne pas tirer.

« Nous étions en route pour Rubbens, escorté par des soldats de l’Empire du Levant, quand nous sommes tombés dans une embuscade d’une troupe de soldat de Rey. Nous avons profités des combats pour fuir, mes compagnons et moi.
- Comment pouvons-nous être sûr que vous ne mentez pas ? demanda Jade sur la défensive.
- Mon nom est Ewan Ducheux, dit l’homme en abaissant sa capuche permettant  tous de le voir clairement. J’espère que mon nom vous dit quelque chose. »

Les yeux de Nina s’écarquillèrent sous la surprise. Ducheux, Ewan Ducheux, un nom célèbre parmi les siens, un partisan de la paix qui avait fait beaucoup pour l’entente entre les peuples. Un homme fils d’une fameuse combattante pour la liberté et d’un elfe prophète. Un être né il y a plusieurs centaine d’années. C’était impossible.

La jeune fille blonde croisa les yeux de l’homme et compris la vérité. Ses yeux étaient vieux contrairement à son apparence, ils contenaient un nombre incroyable de vécus.

« Jade, il dit vrai, acquiesça Rose qui semblait l’avoir reconnu.
- Montrez-moi vos oreilles, demanda Jade en retour. »

Les elfes ayant les oreilles pointue contrairement aux humains, ce serait une preuve suffisante pour prouver qu’il était un hybride. Ewan tourna la tête pour qu’elle puisse vérifier la véracité de ses propos. Ses oreilles étaient pointues. Jade baissa son arc acceptant les explications de l’homme. Nepeta s’échappa de l’emprise de Nina, de même que Karkat avec Rose et ils se précipitèrent tous les deux vers les deux trolls aquatiques.

« Feferi, Eridan ! On pensait que vous étiez avec la Condescendance, commença Nepeta.
- Comment vous avez pu tomber aux mains de ces enfoirés du Levant ? interrogea Karkat en colère.
- La ferme, paysan, grommela le troll blessé.
- C’est une longue histoire, dit la fille avec un sourire triste.
- Plus tard les retrouvailles émouvantes les jeunes, coupa Ewan. Les soldats vont nous avoir suivit et que ce soit l’un ou l’autre camp, nous sommes tous en danger. Je vous expliquerai plus tard, intervint-il avant que John ait pu dire quelque chose. J’ai besoin de personnes pour s’occuper de nos blessés et de vos meilleurs lanceurs de sort.
- Très bien, Rose, John vous restez avec lui, ordonna Jade. Nepeta, va chercher tous les autres bon magiciens.
- Trrès bien ! répondit celle-ci en s’élançant vers l’intérieur du village.
- Nina, Karkat, emmenez les blessés à l’infirmerie. »

Tous deux acquiescèrent et le troll aux petites cornes prit le relai de la fille troll aquatique, supportant son ami. Nina conduisit les nouveaux arrivant au fond du village. Entendant Jade et Ewan donner des ordres. Il semblait que l’homme veuille créer un enchantement pour cacher le village aux yeux de leurs poursuivants. C’était quelque chose de compliqué, demandant un grand apport en énergie et beaucoup de dextérité. Cela expliquait pourquoi il avait demandé l’aide des meilleurs. Et avec John et Rose, il allait être servit.

Il n’y avait pas de blessé grave heureusement. Des contusions et des coupures principalement. Nina s’occupait de nettoyer et panser les blessures qui le demandaient, avec d’autres villageois. Le travail allait assez vite, mais il semblait que quelqu’un était réticent aux soins. Des éclats de voix lui parvenaient depuis le fond de la pièce toute en longueur.

« Aïe ! Fait gaffe à ce que tu fais, sang de bas étage ! s’écria le troll aquatique au sang violet.
- Ferme-là Eridan ! grommela Karkat à son attention. Et arrête de faire ta chochotte, c’est juste une coupure.
- Juste une coupure !? s’étrangla le nommé Eridan. Est-ce que tu sais à quel point ça fait mal ? Et d’abord ce n’est pas une coupure, mais la preuve que j’ai défendu Fef’, Vantas. Je ne pense pas qu’un troll comme toi aurait pu faire ça, finit-il dédaigneusement.
- Glubs ! Eridan ! protesta la troll qui devait donc être Feferi.
- Oh, et puis merde ! Reste comme ça si tu ne veux pas te faire soigner, laissa tomber Karkat en grinçant des dents. »

Nina secoua la tête et décida de prendre les choses en mains. Après tout, ses études ne devaient pas servir à rien.

« Pousses-toi Karkat et laisse moi faire, dit-elle en l’éloignant du lit où était assit le troll aquatique, ayant totalement oublié qu’il était fâché contre elle. »

Eridan avait ôté son manteau et sa chemise, soigneusement pliés à côté de lui. Il avait les cheveux plaqué en arrière, une mèche violette au milieu de ses cheveux noirs, exactement entre ses deux cornes en forme de vagues, elles aussi inclinées vers l’arrière. Il portait des lunettes et ses yeux violets envoyaient des éclairs de mécontentement. La blessure ne saignait plus et était peu profonde, juste une longue estafilade le long de son flan droit. Nina récupéra le linge humide que Karkat avait utilisé pour nettoyer la plaie et approcha sa main de la peau grise et fine du blessé. Il eut un mouvement de recul.

« Si tu crois que je vais laisser une humaine me toucher… commença-t-il
- Soit, si tu préfères que ce soit Karkat qui le fasse, je te laisse entre ses mains et sa bonne humeur. Ou alors ton amie Feferi peut te donner un coup de main, mais je ne pense pas qu’elle puisse le faire, sinon tu ne serais pas en train de crier après Karkat. Après tu peux décider d’attendre que la blessure guérisse seule. Mais il faut absolument que je te prévienne des risques d’infections, de la fièvre qui va avec et du risque de mourir dans d’abominable souffrance. Sans oublier bien sûr que, si tu en réchappes, la cicatrice signe de ton exploit sera une magnifique boursoufflure le long de ton flan droit. Gonflée, difforme et rouge – enfin violette dans ton cas. Bien, décide toi vite, car la seule personne qui ait fait des études de médecine ici – c’est à dire moi – à d’autres patients à aller voir. »

Nina fini sa tirade en croisant les bras et en regardant le blessé l’air impatiente et dédaigneuse. Le pauvre Eridan avait pris une teinte de plus en plus pâle, son expression se décomposant au fur et à mesure que la jeune fille parlait. Feferi était bouche-bée, les lunettes rose qu’elle portait avait légèrement glissé de son nez. Nina sentait Karkat à ses côtés la regarder avec des yeux ronds.

Eridan finit par prendre la parole d’une petite voix.

« Très bien, mais fait vite.
- Pas de problème, sourit Nina gentiment. Je vais finir de nettoyer la plaie, ça risque de piquer un peu. Et regarde ailleurs, ça t’évitera de te focaliser dessus. »

Nina s’attela à la tâche. Elle enleva le peu de saletés qui s’étaient fichées entre les lèvres de la blessure avec de l’alcool. Puis vint le moment fatidique de recoudre les deux pans de peau. Elle fut très fière de son patient qui se contenta de serrer les dents pour ne pas montrer qu’il avait mal.

« Bien, et ne touche pas à ce bandage, conclu la blonde en serrant le nœud avant de se relever. Reste au calme au moins une semaine pour que ça puisse cicatriser et ne pas se rouvrir. Je viendrai vérifier l’état de la plaie tous les jours. Et je le saurai si tu n’as pas respecté les consignes, le menaça-t-elle.
- Merci, dit Feferi.
- De rien. Je vous ai précisé que je n’ai pas eu mon diplôme de médecine ? demanda en souriant la jeune fille avant de s’en aller vérifier s’il n’y avait pas d’autre personnes à soigner. »

Les deux trolls aquatiques la regardèrent partir, sidérés. Karkat étouffa une exclamation moqueuse avant de se tourner vers ses amis avec une expression sérieuse sur le visage.

« Il faut qu’on parle. »

Nepeta n’était pas sûre que Nina l’ait vraiment écoutée, elle était tellement plongée dans ses recherches. Le bureau n’était pas assez grand pour tout son matériel, des fioles et nombre de livres ouverts s’étalaient sur le sol de la chambre et le lit de la jeune fille blonde. Nina avait heureusement épargnée le lit de Nepeta, mais si elle continuait comme ça, cette place serait elle aussi envahie. La petite troll au sang olive sortit en bondissant et ferma la porte un peu brutalement.

Nina sursauta au bruit de la porte claquant. Elle cligna deux fois des yeux en se demandant où était Nepeta et se souvint qu’elle venait juste de lui dire que c’était son tour de garde. Elle se frotta les yeux, fatiguée. C’était le deuxième jour qu’elle passait à essayer de recréer du faygo avec les moyens du bord. C’était le deuxième jour que le village était soumis à la discrétion la plus totale : pas de lumière la nuit, le moins de bruit possible et aucune possibilité pour sortir chasser. Tout le monde était cloitré chez soi et mis à par les tours de garde il n’y avait pas grand chose à faire.

Nina passait une fois par jour voir comment évoluait la cicatrisation de la blessure d’Eridan. Le troll logeait dans leur petite maison dans la même chambre que John et Feferi s’était vue attribuer la dernière chambre du bâtiment. Il avait été décidé qu’ils vivraient ici car ils connaissaient déjà certain d’entre eux, il serait alors plus facile pour eux de s’acclimater aux règles du village caché.

À par ça, Nina ne faisait que ses recherches, jour et nuit. Elle ne descendait à l’étage du dessous que pour les repas et se procurer d’autre matière première. Elle n’avait pas reparlé à Karkat depuis la nuit où les réfugiés étaient arrivés. D’ailleurs elle ne parlait pas beaucoup plus à ses autres amis vu qu’elle passait son temps enfermée dans sa chambre à essayer de faire ce satané faygo.

Son ventre grogna dans la chambre silencieuse. Nina se leva avec un soupir de fatigue et effectua un rangement sommaire de la pièce avant de descendre chercher à manger. La nuit était plutôt avancée et on pouvait apercevoir une des deux lunes, Nilno, à travers les rideaux. Elle avait la chance de partager l’une des deux seules chambres avec une fenêtre avec Nepeta. Les autres pièces étant construites dans le flan de la colline, comme la salle de bain.

Elle ouvrit la porte silencieusement pour ne pas réveiller ceux qui dormaient, et descendit les escaliers. Tout était silencieux et noir, il devait être quelque chose comme deux ou trois heures du matin. La jeune fille fit attention à ne pas tomber, ce qui n’était pas chose facile pour elle dans cette obscurité. Un troll s’en sortirait beaucoup mieux, songea-t-elle.

La porte de la pièce à vivre était ouverte. Elle fit son chemin jusqu’au garde manger et pris une tranche de pain et du fromage comme encas. Elle retourna vers le canapé et se laissa lourdement tomber. Un grognement la fit sursauter. Il y avait quelqu’un d’autre, roulé en boule, de l’autre côté du canapé. Nina plissa les yeux et se pencha pour voir qui c’était, mais peine perdu avec si peu de lumière, elle ne voyait déjà presque pas ses mains, alors distinguer un visage. La jeune fille s’installa confortablement et mangea lentement sa tartine improvisée.

Une fois son estomac rassasié de sa fringale nocturne, elle se senti somnolente. Elle était si confortablement installée et bouger pour remonter dans sa chambre lui paraissait si fatiguant. Nina se dit que fermer les yeux quelques minutes, le temps que cela passe ne pourrait pas faire de mal. Ensuite elle remonterait et continuerait ses recherches. Sauf qu’avec une nuit blanche et deux jours sans repos, sans compter la nuit mouvementée de l’arrivée des réfugiés où elle n’avait pas beaucoup dormi non plus, ce fut trop pour elle et elle s’endormi comme une masse.

 

Une vague clarté éclairait la pièce. Nina ouvrit un œil, elle avait mal au cou et cela la dérangeait pour dormir. Elle était complètement crevé et avait juste envie de retourner dans les bras de Morphée. Mais sa position devenait trop inconfortable. Elle se redressa en grommelant et en se frottant les yeux, faisant glisser la couverture que quelqu’un avait placé sur elle. Elle frissonna en sentant l’air frais de ce matin d’automne et récupéra la couverture pour s’en draper en se demandant qui avait pu la placer là.

« T’as vraiment mauvaise mine, grogna quelqu’un dans la pièce. »

Karkat était assit à table, une tasse fumante entre les mains. Elle distinguait vaguement ses traits avec le peu de lumière qui filtrait par la fenêtre. Le soleil n’était pas encore levé, mais ça n’allait plus tarder.

« Merci, grommela-t-elle en réponse. »

Elle pris son courage à deux mains et se traina vers la table avant de s’asseoir en face de son ami. Ou plutôt de s’affaler lourdement sur la chaise. Elle avait terriblement sommeil et trouva que la meilleure chose à faire était encore de prendre sa tête dans ses bras et de se rendormir sur la table.

« Non, vraiment, t’as mauvaise mine, persista Karkat.

- Humph ! protesta-t-elle faiblement. Ça fait deux jours que j’essaye de faire cette putain de boisson et j’y arrive pas. »

Elle avait la voix croassant et la bouche pâteuse en plus de ça. Elle savait que ses cheveux étaient complètement décoiffés et qu’elle devait avoir des cernes sous les yeux. Elle ne devait pas être jolie, mais franchement là tout de suite elle s’en fichait. Tout ce qu’elle voulait c’était dormir pendant une journée. Maintenant qu’elle avait cédé au sommeil, elle ne pourrait pas se remettre au travail directement.

« Et puis au fait, désolé pour l’autre fois, continua-t-elle en baillant. J’suis pas à l’aise dans ces moments là, j’préfère détendre l’atmosphère. Mais c’est vrai que j’ai exagéré. Désolé.

- Ça fait deux jours…

- Hum ?

- Deux jours que tu ne dors pas et que tu essaye de fabriquer du faygo, c’est ça ?

- Mouais.

- T’es vraiment stupide, soupira-t-il.

- Hein ?! dit-elle en relevant la tête de quelque centimètre pour regarder Karkat.

- Franchement, on devait le faire tout les deux. Et t’es stupide de le faire de ton côté. Ne me dis pas que c’était parce que tu pensais que je t’aurais pardonnée plus facilement pour l’autre fois si tu venais me trouver avec des résultats ? Parce que dans ce cas là tu es doublement stupide. »

Silence.

« Mais c’est pas vrai ! s’exclama Karkat. Je sais bien que j’ai tendance à m’énerver facilement, mais tu devrais savoir depuis le temps que je vais pas te faire la tronche pendant des jours.

- Bah, j’ai pas vraiment pris tes remerciements au sérieux. Je t’ai tourné au ridicule devant les autres, alors je me sens un peu coupable de t’avoir fait ça et mis autant en colère, expliqua timidement Nina.

- Fille stupide, répliqua le troll en haussant un sourcil.

- Arrête de dire que je suis stupide, ça commence à devenir vexant tu sais, dit-elle un peu énervée.

- Seulement si tu vas dormir jusqu’à ce que tu te sente mieux et que tu me promette de ne pas me mettre à l’écart des recherches. C’est quand même pour mon moirail qu’on fait ça.

- Huh, d’accord, promis, répondit Nina en le regardant bizarrement.

- Très bien. Allez hop, au lit miss stupide. »

Un peu prise de cours, Nina se leva, toujours emmitouflée dans sa couverture et se traina vers l’escalier. Son cerveau marchait au ralentit et elle avait obéit directement. Mais elle était perplexe tout de même et se retourna avant de franchir la porte.

« Je suis pardonnée alors ? demanda la jeune fille peu sûre d’elle en tortillant une mèche de ses cheveux blond. »

Karkat n’avait pas bougé de sa chaise, toujours sa tasse en main. Il regardait dans le vide et lui jeta un coup d’œil avant de répondre.

« Oui. »

Son regard s’était encore perdu dans le vague. Nina attendit quelques secondes pour être sûre qu’il n’ajouterait rien et monta à l’étage. Elle ouvrit la porte de sa chambre et tomba sur son lit. En moins de deux secondes elle dormait déjà, bien pelotonnée dans la couverture qu’elle n’avait pas quittée, ne sachant toujours pas qui l’avait couverte sur le canapé.

De légers coups frappés à la porte réveillèrent Nina. Le soleil était haut dans le ciel au vu de la luminosité qui inondait la petite pièce, malgré les rideaux épais. La jeune fille s’assit sur son lit en se frottant les yeux et en baillant. Jade passa la tête dans l’entrebâillement de la porte.

« Désolé de te réveiller, s’excusa-t-elle. Il paraît que tu as veillé tard hier soir. Je passai juste te rappeler que c’est le repas hebdomadaire ce soir. Ne le loupe pas, finit-elle avec un grand sourire. »

Nina hocha vigoureusement la tête en signe d’assentiment. Le repas hebdomadaire était sacré pour Jade. Elle avait elle-même instauré ce rendez-vous pour que tout le monde se voit au moins une fois dans la semaine. Cela permettait de régler les problèmes et qu’il ne se créer pas de groupe distinct dans la maison. Et si on loupait ce repas… En fait ça n’était jamais arrivé à personne et personne ne voudrait que ça lui arrive. La gentille et sympathique Jade en colère, personne ne voulait voir ça.

Nina se leva, pris des habits propres et se précipita dans la salle de bain. Elle avait pas mal de chose à faire et se réveiller aussi tard n’aidait pas. Pourquoi avait-elle autant dormi déjà ? Les souvenirs flous de tôt ce matin là lui revinrent en mémoire pendant qu’elle se lavait. Karkat ne lui en voulait pas finalement et il comptait bosser avec elle sur leur projet à partir de maintenant. Nina eu un léger sourire tandis qu’elle s’habillait. Une aide en plus ne serait pas de refus.

Elle lissa son pull bleu marine par dessus son pantalon noir et s’employa à démêler ses boucles blondes, ce qui lui prenait toujours un temps fou. Le malheur de ne pas avoir les cheveux lisses. Qu’est-ce qu’elle enviait Rose d’ailleurs, avec ses cheveux courts et totalement lisses. Une fois cela fait elle sortit de la salle de bain tout en s’attachant les cheveux en une courte queue de cheval. Elle monta à l’étage et frappa à la porte de la chambre de John et Eridan. La voix de John lui répondit d’entrer.

« Hey ! Salut Nina, la salua le jeune homme brun. Comment ça va ?

- Beaucoup mieux depuis que j’ai dormi comme une souche, plaisanta la jeune fille. Et toi ?

- Plutôt pas mal. Jade t’as prévenu pour ce soir ?

- Oui, bien sûr. »

Nina se tourna vers Eridan, allongé, le dos rehaussé par un oreiller, il paraissait plongé dans un manuel de magie pour débutant. Il n’avait même pas levé la tête quand elle était entrée.

« Hum, bonjour Eridan.

- Hein ? dit-il en levant enfin la tête de son bouquin. Oh, bonjour.

- Je m’excuse du retard, je me suis couché tard hier. Bref, comment vas-tu ?

- Ça me tiraille et ça me gêne, mais je n’ai plus mal.

- Bon temps mieux, ça veut dire que ça cicatrise. Refaisons ce pansement. »

Le jeune troll aquatique soupira posa son livre et s’assit sur le rebord du lit avant d’ôter sa chemise. Nina défit le pansement et observa la plaie. Les deux bords étaient presque refermés, la peau n’était pas rouge ou chaude ce qui voulait dire qu’il n’y avait pas d’infection. C’était plutôt bon signe. Nina était assez impressionnée par la rapidité de guérison du troll. Il lui suffirait de cinq jours au total pour être complètement guéri, alors qu’un humain aurait du attendre 2 semaines ou plus.

Elle refit le pansement et laissa Eridan se rhabiller. Elle lui dit que d’ici deux jours il pourrait faire ce qu’il voulait. Nina parti ensuite à la recherche de Karkat.

La jeune fille frappa à la porte de la chambre du troll grincheux et une voix détendue lui répondit d’entrer. Elle entrouvrit la porte et passa sa tête dans l’entrebâillement. C’était bien ce qu’il lui semblait, il n’y avait que Gamzee affalé sur son lit défait, la couverture à gros pois violet traînant à moitié sur le sol.

« Salut Gamzee, saurais-tu où est Karkat par hasard ?

- ‘lut ma sœur, répondit-il lentement les yeux dans le vague. J’crois qu’il est en bas mais j’suis putain de pas sûr.

- Merci Gamzee. »

Elle s’apprêtait à refermer la porte quand une question lui effleura l’esprit.

« C’était toi la couverture cette nuit ? demanda-t-elle de but en blanc. »

Gamzee la regarda dans les yeux pendant plusieurs secondes. Ça devenait un peu gênant d’ailleurs.

« De quelle putain de couverture tu parles ma sœur ? finit-il par dire.

- Bah je me suis juste endormi sur le canapé cette nuit et il y avait quelqu’un d’autre à côté de moi et quand je me suis réveillée il n’y avait plus personne et on m’avait couverte. Mais quand j’y pense, une chose est sûre, ce n’était pas toi sur le canapé, la personne était plus petite. Oubli ce que je t’ai demandé, c’était stupide, termina-t-elle en riant nerveusement. »

Le troll la fixa des ses iris violets d’un air interrogatif. Nina lui fit au revoir de la main et ferma la porte avant de descendre dans la pièce commune. Elle soupira. Gamzee était gentil, mais bizarre parfois. Ce qu’avait dit Karkat la travaillait et elle avait peur de ce qu’il pourrait se passer s’il n’y avait plus de faygo. Ne pas savoir exactement quel était le risque ne l’aidait pas non plus et elle n’arrêtait pas de penser à des choses plus inquiétantes les unes que les autres.

En arrivant en bas elle entendit qu’on s’affairait à grand bruit dans la cuisine. Jade avait sorti les grands plats et un poulet trônait au milieu de la table. Elle se déplaçait comme une tornade entre les récipients, coupant, touillant et assaisonnant en trois secondes différents plats qui sentaient drôlement bon. Au milieu de toute cette agitation, Rose, face a une grande gamelle, agitait nonchalamment son doigt ce qui avait pour conséquence de faire tourner la grande cuillère dans la marmite, tout en lisant un livre à la couverture d’un bordeaux délavé. Nepeta assise sur une chaise, le visage tout au bord de la table, regardait le poulet déplumé avec envie.

Nina rigola.

« Ne t’inquiète pas Nep’, il ne va pas s’envoler, s’amusa-t-elle.

- Je sais, mais je n’en peux plus d’attendre quand on va le manger, dit-elle avec des étincelles dans les yeux.

-  Ça je peux te comprendre. Bon, mais pourquoi a-t-on le droit à un aussi beau poulet ? Quelqu’un m’aurait caché qu’il y avait une fête ? »

Normalement la viande n’était pas souvent au menu, donc tuer une de leur précieuse volaille ne pouvait que signifier un événement important.

« Non pas une fête, dit Jade entre deux navets découpés. Mais on a deux colocataires de plus, donc il faut bien nourrir tout le monde. Et on a un invité de marque ce soir. Ewan Ducheux dîne avec nous. Rose, concentres-toi un peu.

- Woah, je comprends mieux pourquoi tu mets les petits plats dans les grands dans ce cas là.

- Désolé Jade, mais ce livre est tout bonnement passionnant, s’excusa Rose avant de replonger dans les pages.

- Tiens, pendant que tu es là Nina, décortique moi les châtaignes s’il te plaît, demanda Jade en lui plaçant d’office une assiette pleine de ces fruits sortant du poêle, noirs et craquelés.

- Euh, ok, hésita Nina. »

Ce n’est pas ce qu’elle avait prévu de faire, mais elle ne pouvait pas refuser de donner un coup de main. Et puis finalement mettre de côté ses travaux un moment n’était peut être pas une mauvaise idée. Peut être qu’elle réussirait à résoudre le problème plus facilement à tête reposée.

L’après-midi était bien avancé. Les quatre filles bavardaient de tout et de rien tout en continuant à cuisiner. C’était agréable de discuter avec ses amies de cette manière. Et puis comme il n’y avait aucun garçon, certains sujets étaient abordés plus facilement. D’ailleurs c’était vraiment étrange comment les garçons réussissaient toujours à esquiver la 

Cela l’amena à repenser qu’elle cherchait Karkat en arrivant dans la pièce commune. Elles avaient finit les préparatifs du repas, la table était dressée et le ragoût mijotait doucement, et discutaient gaiement accoudées autour de la tablée.

« Au fait, vous savez où est Karkat ? questionna d’un coup la jeune fille aux boucles blondes.

- Apparemment lui et Feferi devaient parler de certaines choses avec M. Ducheux, expliqua Jade.

- Moi j’aimerai bien savoir ce que vous mijotiez tous les deux dans la salle de bain la dernière fois, remarqua Rose avec un sourire en coin et un regard inquisiteur.

- Euh, on… on discutait de chose et d’autres, hésita Nina un peu gênée. »

Elle ne pouvait pas leur dire de quoi il en retournait, elle n’avait certes rien promis, mais si Karkat n’en avait pas parlé aux autres, c’est surement qu’il ne le voulait pas. Et elle n’allait pas le faire à sa place. Rose avait haussé les sourcils, pas dupe pour deux sous.

« À moins que ce ne soit un rendez-vous galant, se moqua sérieusement Rose.

- Non, pas du tout, répliqua Nina.

- Ce n’est pas une théorrie manquant de sens Rrose, décréta Nepeta en se joignant contre la jeune fille aux yeux bleus. Vous irriez trrès bien ensemble en fait, ajouta-t-elle après une seconde de réflexion.

- Nepeta ! protesta-t-elle en rougissant. Je sais que j’aime bien l’énerver, mais il ne faut pas exagérer non plus.

- Hum, il n’empêche que ça prête à confusion, remarqua Rose.

- Jade ? appela à l’aide Nina.

- Rose à raison. On dirait que tu cherches à attirer son attention, rétorqua-t-elle doucement.

- On est juste ami, c’est normal de se taquiner non ? se défendit Nina.

- Tu devrais réfléchir à ce que tu fais Nina, lui suggéra son amie brune. »

Nina ouvrit la bouche pour expliquer encore une fois qu’elle ne considérait Karkat que comme une ami – non mais franchement, comment pourrait-elle tomber amoureuse maintenant, n’importe quoi – mais le sujet de la conversation ouvrit brutalement la porte d’entrée en annonçant qu’il était revenu avec Feferi et M. Ducheux.

En peu de temps tout le monde se retrouva autour de la table, plus serré que d’habitude. L’ambiance était joyeuse et la nourriture super bonne, Jade ayant encore fait des miracles avec le peu d’ingrédients disponibles. Bon, il fallait avouer que la présence du poulet aidait beaucoup, mais cela ne rabaissait en rien ses talents culinaires.

Bien que l’envie ne soit pas là, Nina fit honneur aux plats. Elle était songeuse à propos de ce que ses amies lui avaient fait remarquer. Elle retournait la question dans tout les sens, mais elle n’arrivait pas à trancher. Elle était sûre de n’éprouver que des sentiments d’amitié pour Karkat. Par contre pour ce qui était de le taquiner… Il fallait bien avouer qu’elle trouvait ça drôle, mais pourquoi elle le faisait exactement, elle n’en savait rien. Enfin, si, il y avait peut être une raison, mais là ses pensées penchaient dangereusement vers un terrain où elle ne voulait pas s’aventurer. Nina secoua rapidement la tête et reporta son attention sur ce qu’il se passait autour d’elle.

Il ne restait que quelques reliefs du repas. John et Karkat s’étaient retrouvés de corvée de vaisselle pour avoir déserter la préparation du repas sans une raison bien valide. Eridan s’était arrogé le canapé pour ménager sa blessure, discutant de chose et d’autre avec Feferi assise sur un accoudoir. Laissant Gamzee hésiter entre récupérer son territoire – à savoir le canapé en question – et s’affaler dans la pile de coussin juste à côté. Finalement, il opta pour la pile de coussin, après avoir jeté un coup d’œil vers Karkat, faisant donc le choix le plus diplomatique. Rose assise en face d’elle inondait Ewan Ducheux de questions historiques, tandis que Nepeta gribouillait sur son carnet à côté d’elle. Jade quand à elle surveillait les deux garçons qui faisaient la plonge, rappelant à l’ordre Karkat qui grommelait des noms d’oiseaux à son encontre. Tandis que John se retenait de rire, y échouant lamentablement.

Nina sourit. Ils étaient vraiment comme une grande famille et il n’y a rien de plus précieux que la famille. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et renifla en essayant de les essuyer discrètement avec la manche de son pull. Décidément, ce soir ses pensées avaient décidé de n’en faire qu’à leur tête.

« Nina, ça va ? lui demanda Nepeta avec ses grands yeux olives un peu inquiets.

- Oui, oui, ce n’est rien. Juste un mauvais souvenir qui rejaillit, la rassura-t-elle en esquissant un sourire crispé.

- Oh, d’accorrd. Si tu veux en parrler…

- Non, dit-elle un peu brusquement. Mais merci de ta proposition Nepeta, se rattrapa-t-elle.

- Pas de quoi. C’est bien ce que font les amis, n’est-ce pas ?

- Oui. »

Elles n’eurent pas le temps de continuer car M. Ducheux venait de se tourner vers eux tous. Enfin, sans compter les deux commis de cuisine qui n’avait toujours pas finit leur travail.

« Hum, j’aimerai parler de certaines choses avec vous tous. Selon les autres villageois vous êtes la maison qui arrive le mieux à gérer les différences culturelles.

- Il faut remercier Jade pour ça. C’est elle qui a instauré les règles de vie en communauté. Sans elle ça serait un beau bordel, expliqua John depuis l’évier.

- Et le résultat est que vous me paraissez très soudés et c’est pour cela que je viens vous voir, vous, et pas les responsables du village. De plus vous êtes jeunes et vous n’avez pas de famille ici. Bref, je m’égare. Commençons d’abord par vous expliquer pourquoi je suis ici, accompagné de vos deux amis ici présent, dit-il en indiquant Eridan et Feferi sur le canapé. J’aimerai rappelez aux humains que Son Impériale Condescendance, qui dirige la nation troll, est une trolle unique au sang de couleur fuchsia. Les très rares trolles qui naissent avec cette couleur sont appelées automatiquement à régner un jour ou l’autre. »

Les autres trolls acquiescèrent simultanément.

« Feferi ici présente est une de ces trolles. Elle et Eridan faisaient parti de la cour de la Condescendance quand je les ai rencontrés. Et quelques heures plus tard nous étions fait prisonniers sur le champ de bataille, juste après que la Condesce se soit fait assassiner. »

« Qui est l’enfoiré qui à fait ça ?! cria-t-il rageusement. Dites-le moi, je vais abattre ce connard !

- Gamzee, calmes-toi ! lui demanda Karkat qui venait en un éclair de se placer devant son moirail qui faisait plus d’une tête que lui.

- Comment veux-tu que je me calme, enfoiré ! HONK !

- C’est bon, continuez sans nous, déclara Karkat en tirant Gamzee par le bras vers la porte. »

Celle-ci claqua derrière eux et sur les protestations de Gamzee de plus en plus colorées. C’était assez choquant de voir le placide troll sortir de ses gonds de cette manière.

« Euh, ça va aller ? demanda Nina.

- Ne t’inquiète pas, ils sont moirails, la rassura Nepeta. »

M. Ducheux se racla la gorge avant de reprendre.

« Du coup je pense que vous comprenez tous que Feferi ici présente est la prochaine Impératrice. »

Tous les regards se tournèrent vers la jeune trolle qui fut un peu gênée par tant d’attention.

« Je pense qu’il vaut mieux que tu leur parles, maintenant, suggéra M. Ducheux.

- Bien, se lança timidement Feferi. Je sais que l’impératrice précédente criait vengeance pour les larves tuées à la grotte de la section sud de la forêt. Elle a réussi à rallier le Royaume de Rey et l’Union à son opinion et déclenché une guerre contre les pays qui n’acceptaient pas que certains territoires nous aient été donnés. Cela fait 2 ans que des gens meurent, soldats et civils, trolls et humain, adultes et enfants. Je ne suis pas du tout d’accord avec ça.

- Mais Fef’, protesta soudain Eridan surpris. On ne peut pas laisser ces humains croire qu’ils peuvvent tuez nos jeunes impunément ! »

La trolle fuchsia soupira.

« Je sais bien, mais tu as vu ce qu’il c’est passé avec la Condesce. Nous n’avons plus l’avantage, gémit-elle. Et si nous ne nous consacrons pas maintenant à la survie de notre espèce nous risquons de disparaître rapidement, alors que nous venons de trouvez un monde pour nous accueillir.

- Ils ne nous ont pas accueilli à bras ouvvert, protesta Eridan. Si tu vveux vvraiment que l’on survive, la paix n’est pas la solution. Nous devvons conquérir nos territoires…

- Stop ! trancha Jade en fusillant du regard le troll allongé sur la canapé. Merci de te rappeler que tu es en présence d’humain et de trolls qui ont choisi de vivre ensemble et qui y arrivent très bien. »

Eridan se renfrogna.

« Vas-y, continu, encouragea Jade à l’intention de Feferi.

- Glub, voilà je veux donc ramener la paix. Et pour ça je pense que montrer au monde que trolls et humains peuvent vivre ensemble sans problème est la meilleure solution. Et comme vous vous entendez tous bien, je pense que vous pourriez m’aider.

- De quelle façon voudrais-tu que nous t’aidions ? demanda John en haussant un sourcil l’air songeur. Parce que je ne vois pas trop ce que nous pourrions faire à notre niveau. Même si je suis entièrement d’accord avec tes idées.

- Je ne sais pas, dit Feferi en secouant la tête doucement un peu découragée par l’ampleur de la tâche. »

Un silence pensif s’installa pendant quelques minutes. Nina ne savait pas trop quoi penser de tout cela. Au moins avait-elle compris l’importance d’avoir recueilli la prochaine Impératrice. Cela mettait leur village en position de force. Si elle était restée entre les mains de l’Empire du levant, ils auraient pu faire pression sur le reste des trolls en menaçant de la tuer à son tour.

« Je penses pouvoir évoquer mon idée, déclara alors M. Ducheux. Il faut créer un nouveau pays : où trolls et humains vivraient ensemble, et le gouvernement pourrait être un conseil élu, comme dans l’Union.

- Ce n’est pas une mauvaise idée, déclara Rose. Le but est donc de déclarer l’indépendance d’une communauté par rapport aux autres nations, dont celle des trolls. Par contre je ne sais pas comment vous aller trouver des volontaires pour peupler ce pays.

- Parmi la rébellion. C’est là où il y aura bien sûr le plus de volontaires, j’imagine.

- Non, ça ne marchera pas comme ça, nia Rose. La plupart d’entre nous espèrent retrouver leur pays d’origine lorsque la guerre sera finie. Nous sommes juste des déserteurs ou des réfugiés qui ne veulent pas faire parti des combats, où pensent que la violence ne réglera pas les choses.

- Justement, les résistants viennent de tous les pays, c’est ce qui fais leur force, répliqua Jade.

- Mais nous ne serons jamais assez nombreux pour peser vraiment dans la balance, s’inquiéta Nina.

- En tant que nouvelle Impératrice les autres trolls suivront mes décisions, la rassura Feferi.

- Certes, mais les autres pays ne nous laisserons pas tranquille pour autant. Et d’après ce que j’en conclu de votre embuscade, c’est que la ligne des combats n’est plus très loin de notre cachette. Donc comment voulez vous que nous tenions nos positions ? demanda Rose.

- C’est là le deuxième point de mon plan, révéla M. Ducheux. Il faut que le centre de ce nouveaux pays soit dans un endroit emblématique. Plus au Nord dans la forêt de l’Argentile, il existe exactement le lieu qu’il nous faut.

- Une ancienne ville elfe ? interrogea Nina. Vous voulez dire Landaros par exemple.

- Ce pourrait être un bon choix. Mais je pensais à un endroit un peu plus bas qui est abandonné lui aussi depuis la dernière grande guerre des peuples. »

Nina ne voyait pas de quel lieu il pouvait parler. Landaros était une ancienne ville elfique, abandonnée depuis longtemps, qui avait rayonné dans le monde pendant de nombreux siècles. La ville devait être en ruine, mais au moins il devait y avoir les fondations pour reconstruire et en plus elle était loin des frontières de l’Empire du Levant et de la Congrégation du Sud. Car le Royaume de Rey et l’Union actuellement alliés de la nation trolle ne devraient pas leur poser trop de problème si ce projet devait être mis en branle.

Soudain Rose s’exclama de surprise. Son visage s’illuminant sous la compréhension.

« Vous voulez parler du cercle des douze !

- Exactement, approuva l’homme. Il y avait une école bâtie en son centre à une époque et la dernière fois que je suis passé dans le coin, ce qui remonte à plus d’une dizaine d’années, les bâtiments étaient extrêmement bien conservés malgré leur âge.

- De quoi s’agit-il exactement ? demanda Nepeta interrogative.

- Il s’agit d’un lieu qui a servit à faire basculer l’histoire de ce continent deux fois par le passé, expliqua Rose. Une première fois il y a 2 400 ans en séparant les magiciens des gens normaux pour mettre fin à une guerre fratricide. Et une deuxième fois, il y a 900 ans, en permettant d’emprisonner à nouveau une entité guerrière et mettant une nouvelle fois terme à une guerre, que l’on appelle maintenant Guerre des Peuples.

- Et vous pensez que cet endroit peut mettre une troisième fois fin à un conflit ? interrogea Feferi avec espoir.

- Jamais deux sans trois, comme on dit, sourit Nina. Je pense qu’il a raison. C’est un bon endroit. Toutes les nations savent à quel point il est important et le respecte plus que tout. C’est comme un lieu sacré même s’il n’y a pas de religion rattachée à cet endroit. Aucun pays ne se risquerait à lancer une attaque contre le cercle des douzes, s’ils sont un peu superstitieux ils auraient peur d’attirer le malheur sur eux. Et même s’ils ne le sont pas, les décisionnaires devraient se battre contre les croyances communes et ils savent très bien que c’est peine perdue. »

Il y avait de l’espoir dans ce plan. Un espoir un peu fou peut être. Mais la fin de la guerre était un rêve pour tout le monde. Il ne fallait pas oublier que le village des résistants était toujours sous la menace d’être découvert et anéanti.

« Bien, je pense que vous avez tous compris, dit Ewan Ducheux. Maintenant la proposition que je vous fais ce soir, c’est de choisir si vous voulez y participer ou non. Ce plan est risqué sur plusieurs points. Je ne vous cache pas que ce ne sera pas simple à mettre en place et le voyage jusque là-bas n’est pas le plus petit péril qui nous attend. Feferi a décidé qu’il fallait faire quelque chose au plus vite et que d’ici deux jours, elle partirait, qu’il y ait un plan ou non. Tu es toujours d’accord ?

- Oui, parfaitement, dit-elle en hochant la tête avec conviction. »

Eridan lui jeta un coup d’œil stupéfait, mais ne dit rien.

« Je vous laisse décider si vous venez ou pas. Je ne vous oblige en rien à participer si ce n’est pas votre attention. Demain matin, j’expliquerai notre décision au reste du village et je leur laisserai aussi le choix de nous suivre. J’espère sincèrement que vous viendrez tous. »

Sur ces paroles, il se leva et salua l’assemblée plongée dans d’intenses réflexions. Feferi partirait et Eridan semblait résigné à la suivre de toute façon. Rose traçait des traits invisibles avec son doigt sur la table, semblant déjà faire des plans de départ. John et Jade se jetaient des coups d’œil, ne sachant pas trop quoi décider. Nepeta quand à elle avait la tête penché, et l’air dans la lune. Quand à elle, Nina n’en savait rien.

Elle se leva et raccompagna M. Ducheux à la porte.

« Et bien merci pour ce repas, c’était très bon ma foi, sourit-il sur le pas de la porte.

- Oh, ce n’est pas moi qu’il faut remercier, mais Jade, rigola-t-elle.

- Et bien j’y penserai la prochaine fois. Dites-moi, Nina, c’est ça ?

- Oui, répondit-elle se demandant ce qu’il voulait.

- Votre visage me semble assez familier, mais je suis sûre de ne jamais vous avoir vu auparavant. Cependant… N’auriez-vous pas quelqu’un de votre famille dans l’armée de l’Union par hasard ? »

Les yeux de la jeune fille s’écarquillèrent de surprise et d’un espoir fou.

« Mon frère ! Vous avez vu mon frère ?! s’exclama-t-elle.

- Hum, et bien il me semble que ce devait être lui oui.

- Où était-ce ? Quand ? elle avait du mal à réfréner son impatience et ses espoirs.

- Il y a plusieurs semaines. Sa compagnie se dirigeait vers Kala il me semble.

- Je viens.

- Plaît-il ?

- Je vous accompagne vers le cercle des douze. Si j’ai une chance de croiser mon frère en chemin, je n’ai pas de raison d’hésiter.

- Euh, très bien, dit Ewan Ducheux un peu abasourdi par cette déclaration enflammée. Resterez-vous avec nous jusqu’au bout si vous le voyez ?

- Je ne sais pas encore, je suis désolé. Ça dépendra de ce qu’on se dira. Mais si je ne le vois pas je vous accompagnerai au bout du voyage, bien entendu.

- Bien, je vous dit à dans deux jours alors. Bonne nuit, la salua-t-il avant de s’éloigner dans la nuit. »

Nina referma la porte, annonça à ses amis qu’elle allait informer Karkat des dernières décisions et monta à l’étage.

Cela faisait huit jours qu’ils voyageaient. Ils ne leur restaient que trois jours de voyage et ils n’y avaient pas eu d’incident majeur. À part quelques rhumes, des piqûres d’ortie, quelques griffures de ronces et une cheville foulée, tout le monde allait bien.

La nuit commençait à tomber et ils cherchaient un endroit pour camper tout en marchant. Ils suivaient un étroit sentier qui ne devait correspondre à aucune route connue. Cela arrivait souvent quand on se déplaçait dans cette forêt. Il n’y avait que deux grands axes, est-ouest pour rallier le Royaume de Rey et l’Union et nord-sud pour se rendre dans l’Empire du Levant et la Congrégation du Sud.

Ils se suivaient pratiquement en file indienne à cause des épais buissons qui délimitait le sentier. Le groupe était dans une position vulnérable et nombre d’entre eux n’aimaient pas ça. Ils étaient au sommet d’une colline et le terrain commençait doucement à redescendre sous les pieds de Nina.

Elle resserra les bretelles de son sac à dos. Elle commençait à fatiguer, mais il y avait de forte chance pour que le groupe s’arrête dans la vallée une fois la descente terminée. Un des jeunes trolls et son lusus, qui ressemblait à un gros rongeur, la suivaient et elle-même était précédée par Gamzee. Lorsque la file se stoppa brusquement, Nina ne put donc pas voir ce qu’il se passait devant elle, ce qui était très frustrant.

Elle finit par entendre clairement Karkat se plaindre, à grand renfort de juron, de la situation, mais on le fit taire rapidement. L’information qu’un groupe de soldats se trouvait un peu plus bas devant eux remonta la file des villageois en même temps que l’angoisse et la peur. Même s’ils étaient très au nord des lignes de défense, il restait une infime chance pour que se soit un commando d’une armée ennemie qui se serait glissé jusque dans le territoire adverse.

On décida d’envoyer deux éclaireurs pour déterminer combien il y avait de soldat et de quel camp ils étaient. Pendant ce temps, on déplaça Feferi et Eridan au centre du groupe de Nina et ils essayèrent de les camoufler le plus possible pour qu’on ne puisse pas les reconnaître. Jade retira les lunettes que portait la jeune Impératrice et Eridan pris la main de son amie pour la guider. Nina rabattit la capuche de la cape du troll, afin de camoufler ses cornes en forme d’éclair et sa mèche violette caractéristique. Jade tressa vite fait les cheveux de Feferi et les fixa en un chignon haut.

La jeune fille blonde et la brune observèrent d’un œil critique ces « déguisements » improvisés.

« Tu as une toute autre allure, assura Jade à Feferi, plutôt contente de son œuvre. »

En effet sans ses lunettes rose et ses cheveux lâchés, la jeune trolle avait l’air timide alors qu’elle était plutôt enjouée et pleine d’entrain.

« À vrai dire je n’y vois pas grand chose sans mes lunettes, expliqua-t-elle gênée.
- Tant, mieux, ça te donne un comportement un peu différent. Je suis certaine que personne ne te reconnaîtra.
- Par contre Eridan… grimaça Nina.
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?! grinça celui-ci.
- Hum, comment dire… Tu fais peur. »

En effet la capuche, plus la pénombre ambiante dû au coucher de soleil, cachait son visage et on ne voyait que le reflet de ses deux yeux jaunes aux iris violette qui brillait. La forme de ses cornes qui pointaient sous le tissu accentuait cette impression de danger. Et comme en plus Eridan était souvent de bonne humeur…

« Hein ?! Comment ça je fais peur ?!  Tu te moques de moi paysanne ! s’emporta-t-il.
- La ferme Eridan ! intervint Karkat d’un peu plus loin. On ne veut pas se faire repérer. »

Du coup le silence retomba, même si Nina pouvait voir le troll bouillir sous sa cape. Jade et elle-même étouffèrent un fou rire en s’échangeant des coups d’œil. Toutes les deux repensaient à la soirée d’il y a deux jours où Karkat leur avait fait un exposé complet sur les relations amoureuse des trolls. Un des aspects en particulier les avaient interpellés : kismessissitude qui implique que les deux personnes se haïssent et qu’il y ait attirance sexuelle. En gros pour résumer, vu qu’Eridan et Karkat s’échangeaient constamment des insultes à longueur de journée, les autres les avaient vite charrié à ce propos et ce n’était pas près de s’arrêter.

Les éclaireurs revinrent rapidement en annonçant qu’il n’y avait qu’une douzaine de soldats de l’Union. Rapidement la décision fut prise de les rencontrer et de camper avec eux. Il fallait bien sûre faire attention à ce que Feferi et Eridan ne soit pas reconnus. Ewan Ducheux partit à leur rencontre avec quelque uns des villageois les plus âgés.

Nina ne vit pas ce qu’il se passait, ni n’entendit ce qu’il se disait entre les deux groupes. Mais il apparut rapidement que les soldats s’étaient perdus suite à une attaque ennemie qui avait dispersée leurs troupes. Ils avaient ordre de se rendre à la cité des fées pour retrouver un général et se mettre sous son commandement. Mais sans carte et avec le temps voilé qu’il faisait depuis plusieurs jours, ils s’étaient rapidement égarés. Du coup en échange de leur protection jusqu’à leur destination, M. Ducheux les accompagnerait jusqu’à la leur. Les négociations avaient été dures, car le lieutenant ne voyait aucun avantage à les accompagner plus loin que leur propre destination. Mais il avait finit par céder à contre cœur devant les arguments de M. ducheux.

Nina n’avait pas encore pu observer les soldats pour savoir si son frère était là ou non. Elle s’occupait de monter les tentes avec John pour la nuit, et ce n’était jamais une mince affaire entre les arbres. Une fois cela terminé, la jeune fille constata que le feu était allumé et que Jade s’occupait déjà du repas.

Gamzee, qui une fois de plus était resté debout ne sachant pas quoi faire, se rapprocha d’elle. Il avait l’air un peu nerveux, ce qui était plutôt inhabituel chez lui.

« Hey, Ninasis, t’aurais pas un putain de truc à boire. Je meure de soif.
- Karkat est parti remplir les gourdes il me semble. Désolé, Gam’, va falloir que tu attendes qu’il revienne pour boire.
- Merde, honk ! dit-il frustré, avant de s’asseoir contre un arbre les bras croisés sur son torse. »

Nina soupira. Gamzee, n’avait pas l’air dans son assiette et il fallait qu’elle en touche deux mots à Karkat quand il reviendrait.

« Nina ? interrogea une voix derrière elle. »

Elle se retourna pour voir de qui il s’agissait, n’ayant pas reconnu la voix immédiatement, et ses yeux s’agrandirent sous la surprise. L’homme qui se tenait devant elle en uniforme de l’Union, une épée au côté, une barbe lui mangeant la moitié du visage et les cheveux blonds et bouclés, n’était autre que son frère.

« T… Thomas ? dit-elle la voix tremblante. »

Nina sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle se dirigea vers lui à pas vif et la claque retentissante qu’elle lui administra surpris tout le monde.

« Ça c’est pour t’être engagé dans l’armée sans me prévenir en me laissant seule derrière. Espèce d’abruti ! Si tu crois que j’aurais protesté ! Non, mais tu te rends compte ? Papa et maman sont mort et toi tu me laisses me débrouiller seule alors que je ne suis même pas majeure !
- Mais j’ai demandé à tante…
- Non ! Tais-toi ! Comment veux-tu qu’elle s’occupe de moi ? Elle à déjà quatre marmots à surveiller ! Est-ce que tu imagines ce qu’il s’est passé au village en plus ? A cause de la guerre, ils ont commencé à rejeter tous leurs problèmes sur les trolls ! Et ils en ont même chassé deux qui cherchaient refuge après avoir été attaqué ! Ils ont même dit que tu étais fou de t’être engagé et que tu déshonorais la famille et le village. »

Un air horrifié se peignait sur les traits de son frère au fur et à mesure que la jeune fille vidait son sac.

« Apparemment je n’étais plus la bienvenue et de toute façon j’en avait marre de leurs remarques racistes, donc je suis partie. Et ça n’a pas été facile de voyager tranquillement par les temps qui courent ! Heureusement que je me suis fait des amis sur qui je peux compter. Pas comme toi !
- Je suis désolé Nina, dit-il piteusement. Mais je ne vois ce que ça aurait changé si j’étais resté.
- T’es qu’un abruti de toute façon ! finit-elle en se jetant dans ses bras en pleurant. »

Il la serra à son tour après une seconde d’hésitation.Il la calma en lui chuchotant des paroles rassurantes et en lui demandant pardon, tout en faisant des cercles apaisant avec sa main sur son dos, comme lorsqu’elle était petite.

« HONK ! Je ne veux PAS de cette putain d’eau ! s’écria Gamzee derrière elle.
- C’est tout ce qu’il y a à boire, rétorqua Karkat.
- Je VEUX un putain de FAYGO, Karbro ! Honk ! »

Nina se détacha de son frère en essuyant les larmes qui restaient et fit comme s’il ne s’était rien passé. Elle ne voulait pas avoir l’air faible, même si tout le monde avait pu la voir. Elle se retourna vers ses deux amis qui se disputaient. Gamzee s’était mis debout et toisait Karkat bien plus petit que lui. Il avait l’air super énervé et ses yeux avaient l’air d’être orange au lieu du jaune habituel. Ses mains se contractaient nerveusement dans le vide.

Karkat essayait de garder son sang froid, mais Nina voyait bien qu’il stressait. Elle pouvait surement faire quelque chose pour l’aider, mais quoi ? Elle s’approcha de Gamzee, mais Karkat l’empêcha d’aller plus loin en la retenant de son bras droit. Elle lui jeta un regard interrogateur et il lui fit un signe négatif de la tête.

« Tu as tout bu Gamzee. Il n’y a plus de Faygo, expliqua Karkat.
- HONK ! C’est putain de FAUX !
- Non c’est vrai, tu as finit la dernière bouteille il y a deux jours, dit Nina d’un ton qui se voulait apaisant.
- C’est de votre putain de FAUTE s’il y en a plus ! POURQUOI t’es pas aller en chercher KARBRO ! cria-t-il en prenant son moirail par le col de son pull. »

Karkat posa sa main sur celle de son ami en un geste d’apaisement en faisant chut. Mais cela n’avait pas l’air de le calmer. En plus Nina trouvait ça injuste qu’il accuse Karkat, alors que celui-ci faisait tout pour l’aider.

« Hey ! Ce n’est pas la faute de Karkat ! protesta-t-elle en essayant de séparer les deux trolls. Il s’inquiète pour toi et on ne peut pas trouver du Faygo à chaque coin de rue. On essaye même d’en fabriquer pour toi, alors arrête de l’accuser.
- D’en fabriquer ? dit Gamzee perdu en relâchant sa prise. »

Soudain Nina fut tirée en arrière et trébucha pour atterrir contre son frère.

« Éloignes-toi de lui, il est dangereux, affirma-t-il.
- Quoi ? s’étonna-t-elle. C’est mon ami, il ne va pas me faire du mal. Et j’essaye de résoudre un conflit, là.
- C’est un troll de sang violet, Nina, assena son frère comme si cette affirmation expliquait tout. Les gars de son espèce sont très violents et souvent pris de frénésie meurtrière. Je les ai vu sur le champ de bataille, il ne vaut mieux pas croiser leur chemin. »

Nina en doutait. Comment le placide Gamzee pourrait être pris de folie meurtrière ? En même temps, il faisait vraiment peur là tout de suite. Nina interrogea Karkat du regard et quand elle vit la tête horrifiée qu’il faisait et son regard qui lui demandait pardon, elle n’en douta plus.

Les pièces du puzzle se mirent en place dans l’esprit de Nina. Voilà pourquoi Karkat ne quittait pas Gamzee d’une semelle. Pourquoi il s’inquiétait toujours de savoir comment celui-ci allait. Pourquoi il préférait voir son ami consommer des drogues. « Forcément, on ne t’en a jamais parlé ». Cette simple phrase remonta de ses souvenirs et la jeune fille se demanda alors ce qu’il était arrivé aux deux trolls avant qu’ils arrivent au village. Gamzee avait-il perdu le contrôle de ses actes ? Mais comment était-il redevenu « normal » ensuite ?

Le grand troll dégingandé, encore sous le choc de la révélation de Nina, se laissa entraîner au loin par Karkat. Le petit troll lui tapotait la joue tout en faisant un drôle de bruit : « shoooosh ». Thomas la relâcha enfin et elle ne savait pas comment réagir. Heureusement Jade intervint à sa place.

« Bon je crois que tous le monde s’inquiète pour pas grand chose, commença-t-elle. Gamzee est un troll tranquille et Karkat et lui sont moirail. Donc il va prendre soin de lui et veiller à ce qu’il n’arrive rien de fâcheux comme d’habitude. Et pour ceux qui ne savent pas ce qu’implique le terme moirail, sachez que ça se rapproche de meilleurs amis pour les humains, mais que pour les troll c’est une forme d’amour platonique et que les deux partis prennent soin l’un de l’autre. »

Les chuchotements inquiets se firent beaucoup moins nombreux. Après tout, Jade disait vrai et ils avaient vécus dans la même maison pendant de longs mois sans aucuns problèmes. Mais l’inquiétude ne disparue pas complètement. Nina se secoua et se tourna vers son frère. Elle ne savait pas encore quoi en penser exactement, mais elle ne supportait pas qu’on juge ses amis sans les connaître.

« Tu sais quoi, j’étais contente de te retrouver. Parce que tu m’as manqué. Mais je n’aime pas que tu juges aussi promptement les autres. Je ne sais pas ce que tu as vu sur le champ de bataille et je préférerai ne jamais le savoir, mais Gamzee n’est pas comme ça. Il ne nous a jamais posé de problème, à part qu’il est lent à faire les tâches ménagères et qu’il casse les assiettes quand il fait la vaisselle. Et même si ce que tu dis est vrai, Karkat fait tout son possible pour que ça n’arrive pas. Je préfère que tu ne doute pas de ce que je viens de dire, parce que tu pourrais me blesser.
- Et si ce… Karkat ven… commença son frère.
- J’ai confiance en lui, le coupa-t-elle. Comme nous avons tous confiance les uns dans les autres, ajouta-t-elle en englobant ses amis d’un geste, ainsi que Feferi et Eridan. »

Sur cette dernière affirmation elle les rejoignit auprès du feu et du repas presque près.

«  Merci, glub ! dit Feferi.
- Euh, de quoi ? s’étonna la jeune fille blonde.
- De nous faire confiance alors qu’on se connaît à peine.
- Oh ! Bah, c’est grâce à Jade et ses règles de cohabitation. Je veux dire que, comme on n’est pas obligé de parler de notre passé et qu’on doit vivre sous le même toit, il faut apprendre à faire confiance aux autres sans trop les connaître.
- Tu as peut être confiance en nous, mais moi je n’ai pas forcément confiance en toi, assena Eridan, toujours aussi avare de compliment.
- Si tu n’avais pas un minimum confiance en moi, tu ne m’aurais pas laissé te soigner, rétorqua-t-elle très sérieusement. »

Feferi eut un sourire en coin et Eridan après avoir cherché vainement quoi répondre, retourna parler avec Rose.

« C’était quand même très impressionnant, la gratifia John en lui faisant soudainement un câlin. Je préfère être ton ami que ton ennemi, dis donc. Mais tu es sûre que tu veux être fâchée avec ton frère ?
- Euh, merci, dit-elle gênée. Je ne fais pas si peur que ça, si ? Et bien on n’est pas vraiment fâché, je pense. Mais il faut que nous sachions tous les deux qu’on a grandi et changé, et donc ce qu’on aime ou pas, pour pouvoir s’entendre correctement.
- C’est pas faux, acquiesça John pensivement. C’est vrai qu’avec Jade on se connaît tellement bien qu’on n’a pas forcément besoin de se dire certaines choses.
- On parie que Nepeta vous ship en tant que moirail tous les deux, plaisanta la jeune fille. »

John et Jade rigolèrent en même temps qu’elle sur cette remarque.

Le repas fut vite terminé, la vaisselle nettoyée et rangée et tout le monde au lit. Nina dormait dans la même tente que Rose. La répartition était un peu différente qu’à la maison car il n’y avait pas Nepeta avec eux. Du coup les jumeaux dormaient ensemble, Eridan avec Feferi – Nina et Jade soupçonnait qu’ils étaient moirail, même si personne ne l’avait dit clairement – et Karkat avec Gamzee comme d’habitude.

Nina avait du mal à s’endormir, elle se retournait dans sa couverture sans parvenir à fermer un œil malgré la fatigue. Elle s’inquiétait quand même que Karkat et Gamzee ne soit toujours pas revenu. Elle ne pouvait empêcher ses pensées de dériver vers de sombres scénarios, même si elle les repoussait au fond de son esprit à chaque fois.

Au bout de ce qui lui sembla une éternité, elle entendit des pas et la tente d’à côté s’ouvrir.

« Karbro ? résonna la voix hésitante de Gamzee dans la nuit.
- La ferme Gamzee, chuchota Karkat en grinçant des dents. T’as déjà fait une scène, pire qu’une larve, alors vas pas réveiller les autres ! »

La tente se referma. Une exclamation de surprise parvint aux oreilles de la jeune fille.

« Qu’est-ce que tu fout Gam’ ?! Lâche-moi ! chuchota énervé le plus petit des deux troll. Oh, et puis vas te faire foutre, finit-il par capituler. »

Un espèce de ronronnement grave à moitié étouffé s’éleva de la tente d’à côté. Nina sourit bêtement toute seule. Apparemment tout allait bien. Elle s’endormit enfin.

***

Les trois derniers jours de marche passèrent rapidement. Nina et son frère parlèrent de tout et de rien. La conversation qu’ils avaient eue le premier soir avait finalement eu du bon car Thomas semblait un peu moins protecteur et respectait ses opinions. Il lui demanda pourquoi elle n’avait pas continué ses études de médecine. Et Nina lui expliqua qu’il n’y avait plus personne pour leur enseigner quand elle était parvenue à l’école. Tous les médecins étaient débordés entre les blessés de guerre et les civils. Et ils devaient en plus s’adapter aux trolls dont ils ne connaissaient ni l’anatomie ni la biologie.

Dans l’après-midi, le groupe parvint enfin à destination. Nina ne vit rien d’autre qu’un épais mur de ronce infranchissable. Pourtant Ewan Ducheux ne semblait pas vouloir le contourner.

« Oh merde ! s’exclama soudain Karkat les yeux fixés sur quelque chose loin au dessus d’eux.
- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle curieuse.
- Regarde cet arbre, dit-il en pointant le doigt au dessus des ronces. »

Nina leva le regard, les ronces s’entassaient déjà sur trois ou quatre mètres de haut. Elle vit les branches des arbres autours d’elle et de ceux qui devaient se trouver de l’autre côté du mur végétal. Leurs branches semblaient monter bien plus haut. Et puis soudain elle compris que ce n’était pas des arbres, mais un seul. Les branches montaient effectivement bien plus haut, elles étaient bien plus épaisses que celles des arbres à côté d’elle. Nina avait devant elle un arbre géant.

« Putain de miracle bro, dit Gamzee en enlaçant son moirail autour des épaules et en posant son menton entre les deux petites cornes de Karkat. »

Karkat ne le contredit pas cette fois-ci. Il se contenta de tapoter la joue gauche de son moirail. Nina les regarda un long moment. Elle trouvait quand même la moiraillegiance étrange parfois. Karkat surpris son regard.

« Qu’est-ce qu’il y a fille stupide ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
- Non, rien, dit-elle en tournant la tête, sentant ses joues rougir. »

Nina referma la porte derrière son dernier patient de la journée. Comme l’année dernière, le printemps apportait son lot de blessés aux champs ou aux travaux de réparation. La jeune femme compléta son livre de soin avec la dernière visite. Il n’y avait pas grand chose à en dire, juste un poignet foulé et trois jours d’arrêt de travaux manuel. Vu que le patient était un jeune troll, il guérirait vite.

Elle rangea ensuite l’important manuel dans le tiroir fermant à clé du petit bureau. Elle préférait le mettre en lieu sûr vu les informations importantes qu’il contenait. En effet, depuis qu’elle officiait officiellement en tant que médecin de leur communauté, Nina avait été confrontée à plusieurs maladies problématiques. Notamment une forte fièvre l’été dernier qui ne se soignait avec aucun des remèdes qu’elle connaissait. Heureusement l’ancienne bibliothèque recelait de très bon livre de médecine et elle avait finit par trouver un remède. Depuis, Nina notait toutes les maladies et blessures et comment elle les soignait, au cas où cela lui servirait plus tard ou à quelqu’un d’autre.

La jeune femme rangea ensuite son cabinet. La lumière commençait déjà à baisser. La pièce n’était pas très grande mais contenait son bureau, une bibliothèque, deux grands meubles avec un nombre impressionnant de tiroir et un lit. Il y avait deux portes, l’une menant à la salle d’attente et une donnant sur une pièce plus grande contenant une dizaine de lits. Ces trois pièces n’étaient séparées que par des murs en lattes de bois. À l’origine elles ne formaient qu’une seule pièce, une salle de classe apparemment.

Nina saisit deux petites bouteilles, contenant chacune un remède différent, et les rangea dans sa besace. Il ne lui restait plus qu’à les remettre à leur patient respectif. Soudain la porte s’ouvrit brutalement lui faisant tourner la tête vers l’intrus fulminant.

« Salut Karkat, qu’est-ce qui t’amène ? demanda-t-elle en souriant, sachant déjà la réponse.
- On est a court de… commença-t-il en grognant. »

Nina lui brandit une bouteille en verre rempli d’un liquide rouge sous le nez.

« Euh… Merci, dit-il coupé dans son élan. Attends, non, comment tu savais que c’était ce que je voulais ?
- Parce qu’à chaque fois que tu débarque ici en râlant et en claquant les portes c’est que Gamzee a encore liquidé la réserve de faygo, rigola-t-elle.
- Ouais, peut être. Mais bon y’à de quoi s’énerver, merde. C’est toujours moi qui vais lui chercher son putain de faygo, alors qu’il sait très bien que c’est toi qui le fabrique. »

Karkat laissa retomber ses bras en signe d’exaspération. Son ami avait prit quelques centimètres depuis un an et demi, mais il était toujours aussi petit par rapport à son moirail Gamzee. On voyait toujours ses petites cornes arrondies dépasser de ses cheveux noirs. Il portait encore son sempiternel ensemble gris et noir décoré de son emblème. Et son expression ne variait pas plus que d’habitude, les sourcils froncés et la moue boudeuse.

« Bon, sinon t’as fini de bosser ou pas ? Non, parce que Rose à raison, tu travail trop. Regarde moi les cernes que t’as, andouille. Tu veux me rattraper au niveau manque de sommeil ou quoi ? Et dépêches-toi un peu, Jade ne vas pas être contente si on arrive en retard au repas.
- Il faut encore que je donne leur remède à deux patients alités, soupira Nina. Par devant et préviens les que je vais être un peu en retard. »

Le repas dont parlait Karkat était comme le repas hebdomadaire qu’ils faisaient dans leur ancienne maison. Excepté que maintenant c’était un jour indispensable pour les réunir pendant un moment étant donné qu’ils n’habitaient plus tous ensemble.

Karkat émit un soupir exaspéré – encore un.

« Dis-moi à qui tu doit les donner, je vais le faire. Et toi tu files directement chez Jade et John. Et pas d’incartade ! la prévint-il.
- Euh, mais je peux le faire, ce n’est pas grave si j’arrive un peu en retard.
- Oh que si ! Donnes-moi ça et file ! ordonna-t-il. »

Un peu à contrecœur, Nina lui tendit les deux fioles en expliquant à qui il devait les donner et comment administrer le remède. Ensuite la jeune fille ferma le cabinet à clé et suivi Karkat dans les couloirs de pierre de l’ancienne école. L’ancienne infirmerie se trouvait au premier étage, mais pour des raisons pratiques ils avaient convenu que la déplacer au rez-de-chaussée était mieux. En effet, le transport d’éventuel blessé dans les escaliers n’était pas très commode.

Au rez-de-chaussée se trouvait en plus la bibliothèque qui se révélait très utile pour de nombreuses choses. Un grand nombre de salle de classe avait été transformé en maison et bon nombre d’habitant logeait dans l’ancienne école. La première année tout le monde s’était retrouvé entassé dans le même bâtiment. Puis avec l’annonce de leur indépendance et de la création de leur propre pays, des marchands et d’autres personnes s’étaient déplacés vers leur localisation. Cette arrivée de nouveaux habitants avait posé la question du logement et de la nourriture. Les marchands avaient alors apporté une part de la solution au problème et les artisans nouvellement installé une autre part.

Trois maçons et deux charpentiers avaient permis de construire plusieurs maisons autour du bâtiment imposant de l’ancienne école. Le bois n’était pas une denrée rare et quelques villageois bûcheron de métier ou nouveau avait permis de procurer cette matière première en plus du bois de chauffage indispensable pour l’hiver. La pierre provenait elle des marchands qui avaient commencé à commercer avec eux.

Le défrichement des alentours de l’école avait créé des terres disponibles pour l’agriculture. En plus des potagers que chaque maison possédait, les habitants avaient pu commencer à cultiver des céréales. Les premières semences avaient été achetées aux marchands de passage. La récolte de la première année n’était pas extraordinaire, mais avait suffit à nourrir tous le monde pendant l’hiver.

Avec le printemps qui commençait, de nouveaux immigrés venait habiter la région et il faudrait agrandir les surfaces arables. Mais ce n’était pas vraiment un problème vu le bois que demandait la construction des maisons.

Jade et John vivaient à présent dans une des petites maisons en pierre et en bois près du petit lac en contrebat de l’ancienne école. Ce grand bâtiment avait été reconverti récemment en centre de commandement. Le gouvernement y avait sa salle de conseil et ses bureaux au premier étage, et logeait au deuxième. Au rez-de-chaussée il y avait à présent la toute nouvelle garde du Cercle. Il n’y avait pas encore beaucoup de soldat et ceux-ci s’occupaient de la sécurité tant au sein du siège du gouvernement que dans la toute nouvelle ville du Cercle qui se construisait autour. Il y avait aussi une partie de la garde qui s’occupait uniquement de patrouiller autour du mur de ronce et sur les routes de voyage qui commençaient à se créer.

Lorsque Nina frappa à la porte de Jade et John, Karkat l’avait déjà quitté pour remplir sa mission. Elle entra sans attendre, sachant très bien que cela ne dérangerait personne. Des discussions animées et joyeuses lui parvenaient de la porte du salon entrouverte. Lorsqu’elle se présenta dans l’encadrement, un cri de joie retenti et une trolle vêtue de vert olive et au bonnet bleu lui sauta dans les bras.

Nepata faillit la faire tomber en arrière, mais elle se rattrapa de justesse au chambranle. Nina n’en revenait pas. Cela faisait un an et demi qu’elles ne s’étaient pas vues et là tout d’un coup, son amie débarquait sans prévenir.

La jeune femme blonde se demanda soudain si Karkat n’était pas au courant et que c’était pour cela qu’il l’avait poussée à venir le plus tôt possible. Il faudrait qu’elle le remercie.

Déjà attablée, Rose discutait avec une trolle qu’elle ne connaissait pas. Grande et élancée à la peau gris clair. Elle portait une jupe rouge et une chemise noire. Ses cheveux noirs étaient coupés courts et elle portait un rouge à lèvre vert. Ses yeux étaient en amande et elle avait de longs cils épais.

Nina reporta son attention sur son amie. Nepeta n’avait pas grandit depuis la dernière fois, ou en tout cas pas de beaucoup. Elle portait son éternelle tenue fétiche : pantalon gris, chemise noire, bonnet bleu et manteau olive. Ce dernier était particulièrement défraichit, le bas était déchiré et taché et les épaules élimées au possible.

« Nina ! Tu m’as vrraiment manquée, s’excita la petite trolle. Mais tu as prris combien de centimètrre depuis la derrnièrre fois ? Je me sens encorre plus petite qu’avant. Alorrs, il parraît que tu es devenue médecin. C’est chouette ! »

Nina éclata de rire devant l’enthousiasme de son amie.

« Moi aussi je suis heureuse de te revoir, répondit-elle en lui rendant son câlin. Est-ce que c’est la personne que tu attendais ? ajouta-t-elle en désignant du menton la trolle qui discutait avec Rose.
- Oui, exactement. Viens je vais vous prrésenter, dit-elle en la tirant par le poignet. Nina je te présente Kanaya. On voyageait sur le même vaisseau. Kanaya voici Nina, elle habitait avec moi avant de venir ici.
- Enchanté, répondit Kanaya en lui offrant un sourire doux.
- Moi de même, enchaîna la jeune femme blonde. »

Sur ces entrefaites, Jade et John entrèrent dans la pièce le dîner en main. Une délicieuse odeur se répandit dans la pièce.

« Tient, Karkat n’est pas encore là ? demanda Jade en posant la gamelle sur la table.
- C’est de ma faute, s’excusa Nina. Il s’est proposé pour livrer des remèdes à ma place.
- C’est mignon, dit Jade en souriant.
- Jade ! protesta le jeune femme.
- Oh oh ! Ce serrait-il passé des choses pendant mon absence ? interrogea Nepeta en mode entremetteuse.
- Pas du tout, se défendit Nina.
- Franchement je ne vois pas pourquoi vous en faites tout un plat, intervint John. Karkat aide tout le temps Gamzee même s’il s’en plaît 90% du temps.
- Voyons John, répliqua Jade. Karkat se pli en quatre seulement pour les gens qu’il apprécie. Beaucoup, ajouta-t-elle avec un clin d’œil. »

Nina râla d’exaspération et abandonna. Elle s’assit sur sa chaise et enfoui sa tête entre ses bras pour cacher ses joues qui rosissaient.

Tout le monde s’assit autour de la table et on attendit le retardataire. Quand Karkat arriva, peu de temps après, il reçu un accueil chaleureux. Ou plutôt le fait qu’on pouvait enfin commencer à manger reçu un accueil chaleureux.

« Voilà enfin notre chevalier servant, blagua Rose. Gamzee ne viens pas ?
- Qu’est-ce que c’est que ça encore ? râla le troll en s’asseyant. Je ne sers personne imbécile. Nan, cet idiot ne veux pas sortir.
- Mais rien mon petit Karkat. Tu sais bien que si tu veux en parler je suis à ta disposition.
- Non merci, j’ai déjà un moirail. Arrêtes de me faire des avances Rose.
- Tu sais très bien de quoi je parle.
- Oh, tais-toi. Y’à des trucs que je comprendrai jamais chez les humains et ton truc de psychomachin en fait parti, tu vois.
- Bref, coupa Jade. Bon appétit ! »

Ils mangèrent en silence pendant plusieurs minutes. Les plats étaient toujours aussi bons et ils avaient tous faim. Au bout d’un certain temps les conversations reprirent.

« Au fait Kanaya, tu ne nous à pas dit ce que tu faisais pendant tous ce temps, demanda Karkat curieux. Je ne pensai pas que c’était toi que Nepeta attendait. J’étais persuadé que c’était Equius.
- Je ne sais pas où est Equius depuis que nous avons atterrrrit, se désola Nepeta, un air de profonde tristesse de peignant sur ses traits.
- Désolé, s’excusa Karkat.
- Qui est Equius ? interrogea Nina.
- Son moirail, répondit Karkat.
- Oh, s’étonna-t-elle. Ne perd pas espoir Nepeta. J’ai réussi à retrouver mon frère, donc je suis sûre que tu le retrouvera aussi, la réconforta-t-elle.
- Merrci Nina, esquissa un sourire Nepeta.
- Pour te répondre Karkat, reprit Kanaya. Je voyageais un peu partout, mais je n’ai pas le droit de vous dire pourquoi. C’est trop important. »

Un silence surpris suivit sa réponse.

« Et bien, aurions-nous une espionne à notre table ? interrogea Rose, taquine.
- Pas vraiment, répondit Kanaya. Mais vous en saurez plus demain matin. Je dois rendre compte au gouvernement de mes recherches et la plupart d’entre vous participent aux séances du conseil restreint il me semble ?
- Oui, Rose en tant que conseillère, Karkat en tant que capitaine de la garde et Nina en tant que médecin, confirma Jade. Il n’y a que nous deux qui n’y participons pas. Et Gamzee aussi. »

Le repas se termina, les discussions continuèrent un peu. Puis tout le monde rentra chez lui. Nepeta et Kanaya s’étaient vu offrir de loger chez Jade et John. Rose, Karkat et Nina se dirigèrent vers le bâtiment du gouvernement. Ils y avaient tous les trois un petit appartement au deuxième étage. Mais la plupart du temps, Nina dormait à l’infirmerie au cas où. Tandis que Karkat veillait jusque tard dans son bureau pour organiser les rondes des gardes. Rose leur souhaita bonne nuit avant de s’engager dans les escaliers.

« Je me demande de quoi va nous parler ton amie demain matin ? s’interrogea Nina.
- Je n’en ai fichtrement aucune idée, avoua Karkat.
- Et bien bonne nuit, annonca-t-elle en arrivant à la porte de l’infirmerie.
- T’as intérêt à dormir, la prévint son ami.
- Parles pour toi, répliqua-t-elle.
- Fais attention, je pourrais très bien t’envoyer un garde pour vérifier, menaça-t-il.
- Mais bien sûre, conclu-t-elle en refermant la porte derrière elle. »

Une chose ne changerait sûrement jamais entre eux : les taquineries. Et c’était vraiment quelque chose qui lui donnait le sourire chaque jour.

Après plusieurs minutes le calme revint dans la salle et Kanaya proposa de les emmener voir où se cachait la Larve Mère. Il faut dire que ça faisait un an et demi qu’ils vivaient là et personne n’avait jamais soupçonné son existence.

Elle les mena par les couloirs et escaliers de la vieille école, vers l’ancienne partie dédiée aux logements des professeurs, actuellement reconverti en dortoir pour les soldats. Juste en bas de l’escalier avant les quartiers de l’armée, Kanaya s’arrêta face à un mur somme toute banal. Elle échangea un regard avec M. ducheux, attendant son approbation, car ils n’étaient pas seuls dans le couloir. Un soldat en uniforme bordeaux et or gardait la porte des dortoirs et Kanaya ne semblait pas vouloir de témoin. Ce que Nina comprenait parfaitement au vu de l’importance de leur affaire.

Karkat comprenant le dilemme de son amie décida d’intervenir. Il se dirigea vers le soldat, un humain qui ne devait pas avoir plus de la vingtaine, et se planta devant lui en carrant les épaules. Le troll était plus petit que lui d’une demi-tête, il portait exactement le même uniforme que lui, seul les trois barrettes dorées sur ses épaules témoignaient de la différence de grade. Le jeune soldat se redressa et salua le capitaine.

« Rien à signaler ? demanda karkat.
- Rien, mon Capitaine, répondit le jeune homme du tac au tac.
- Bien, ce sera ce dont vous vous souviendrez pour le reste de la journée, si par hasard j’apprends qu’il s’est passé autre chose dans ce couloir que rien, je peux vous dire que vous le regretterez fortement. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui Capitaine ! répondit le soldat en saluant à nouveau. »

Nina remarqua une goutte de sueur sur la tempe du militaire. Il devait vraiment avoir peur de Karkat pour être aussi stressé. Il faut dire que le troll était certes petit, mais cela ne l’empêchait pas d’en imposer. Depuis cette histoire sur le terrain d’entrainement il y a trois mois, Karkat n’avait aucun problème à se faire obéir. Il faut dire que mettre au tapi cinq gars plus grand que lui en deux minutes trente avec deux faucilles, force le respect.

Karkat fit signe à Kanaya que c’était bon. La trolle à la silhouette élancée se tourna vers le mur et sembla chercher quelque chose avec ses mains. Elle s’immobilisa et un clic retenti dans le couloir. Un pan du mur, pas plus large qu’une porte s’ouvrit vers l’intérieur. Le palier était sombre et menait à une volée de marches descendant au sous-sol. Kanaya pris une des lampes en fer suspendues au mur et Ewan Ducheux l’alluma avec une étincelle de magie.

Il n’y avait aucune fenêtre là dessous et même les trolls n’y verraient rien sans lumière. Ils descendirent en file indienne les étroits escaliers, en faisant attention à ne pas glisser sur les marches de pierre lissées par le temps. C’était étrange de les voir aussi usée car cet endroit ne devait pas être visité très souvent.

Eridan et Nina s’étaient aussi emparé d’une lampe, car à huit dans les escaliers, la lumière était vite hors de vue. Ils descendirent une cinquantaine de mètre sous terre d’après les calculs très approximatifs que fit Nina. En bas ils traversèrent plusieurs couloirs.  Nina apercevait de nombreuses portes en bois, simples ou plus ouvragées, et des arcades en pierre pendant qu’ils marchaient en groupe. Les couloirs étaient plus spacieux que les escaliers qu’ils avaient empruntés pour descendre ici.

Juste après un tournant, ils arrivèrent dans un couloir aussi large qu’une avenue. Les bords étaient surélevés de quelques centimètres et Nina cru distinguer des pavés à travers la couche de poussière que leurs pas dérangeaient. Le sol n’était pas le seul à être étrange à ses yeux, le plafond aussi. Elle n’en était pas parfaitement sûre à cause de la patine qui recouvrait tout, mais les pierres au-dessus de sa tête n’étaient pas les mêmes que celles qui constituaient les murs de part et d’autre. De plus les joins étaient bizarrement fait, elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais quelque chose clochait.

« On dirait une rue, pensa-t-elle à voix haute.
- C’en est une, confirma Rose. Tout le sous-sol est une ville ensevelie.
- Uh, attend, quoi ?! s’étonna la jeune fille. Comment est-ce possible ? Personne n’a jamais parlé d’une ville enfouie sous le cercle ?
- C’est normal, c’est une information confidentielle, répondit Ewan Ducheux à la place de Rose. Je me demande comment vous avez pu apprendre cela d’ailleurs ? »

Il y eu un moment de silence, tandis qu’ils continuaient à marcher vers ce qui semblait l’entrée d’un grand bâtiment au bout de la rue. Nina ne parvenait pas à se rendre compte de l’immensité des couloirs souterrains qui se trouvaient ici. Ils avaient marché pendant une bonne dizaine de minute déjà et l’escalier, leur point de départ, n’avait pas semblé en être la limite. Comment une ville aussi grande avait pu disparaître de l’histoire ?

« Cela m’étonne aussi que vous ne m’ayez pas reconnu la première fois que l’on s’est vu, contrairement à moi, déclara Rose. Mais cela peut se comprendre, je devais avoir moins de trois ans la dernière fois que vous m’avez vu. Enfin je pense, car je ne m’en souviens pas moi même.
- Attends, quel est ton nom de famille déjà ?
- Lalonde, Rose Lalonde.
- Oh… Oh ! Tu as tellement changé que je ne t’ai absolument pas reconnue, même si tu me faisais vaguement penser à quelqu’un. Je suis désolé de ne pas t’avoir reconnu plus tôt. Mais où est ton frère au fait ? Je n’ai pas vu Dave avec toi il me semble.
- Ce n’est pas bien grave. Bah, mon frère doit être quelque part en train de se battre ironiquement. La dernière fois que je l’ai vu remonte à trois ans. Je pense qu’il préfère l’action à l’attente. Je me demande bien pourquoi, surement car Bro ne l’a jamais laisser seul assez longtemps pour qu’il s’ennuie. Le pauvre, il ne sait pas ce qu’il rate, conclu Rose d’un air faussement désolé. »

Rose et Ewan continuèrent à discuter, mais l’attention de Nina fut attirée par Karkat qui tirait sur sa manche. Elle lui lança un regard interrogatif.

« Pourquoi est-ce qu’elle ne le lui à pas dit avant ? demanda-t-il, l’air sidéré.
- Surement parce qu’elle voulait voir jusqu’à quand il mettrait pour la reconnaître. Je pense qu’elle a abandonné l’idée et qu’elle a décidé de le révéler au final, parce que ça prenait trop de temps. Et puis apparemment elle s’est grillée toute seule aussi.
- Quoi ? Mais pourquoi ? C’est stupide.
- Ne me demande pas, j’en sais rien. Je ne comprend pas toujours Rose, tu sais. Mais elle aime bien faire ça en tout cas. Si tu veux en savoir plus demande à Jade la prochaine fois. Je pense qu’elle pourra t’en dire plus.
- Mouais, ça reste stupide. »

Ils étaient parvenus en bas d’une volée de trois marches menant à une grande porte à double battant en bois. Le plafond était un plus haut ici et on pouvait voir le bâtiment en entier. Des colonnes en soutenaient le toit, encadrant l’entrée. Rose et Ewan Ducheux étaient à présent en train de répondre à une question de Feferi.

« … sais que cette ville s’appelait Lenoshyn, c’est de l’elfique. Le sens est difficile à rendre dans notre langue, mais cela pourrait se traduire par la maison du repos. Les elfes ont déserté le continent il y a 500 ans, la seule personne encore témoin de leur existence est Ewan. Cette ville à été construite il y a plus de 6000 ans pour servir de base provisoire dans une guerre, puis ensevelie pour garder secrète…
- Attends, 6000 ans ! s’exclama Karkat. Ça m’a l’air super vieux, même si j’ai du mal avec vos années. Comment tu m’explique que ces foutus souterrains ne soient pas bouchés et que les bâtiments ne soient pas partis en poussière ?
- Le fait même qu’ils soient ensevelis les protègent de l’érosion, expliqua Ewan le sage. Mais c’est principalement la magie qui permet de lutter contre l’usure du temps.
- La magie ? Il faudrait un sort fichtrement puissant pour couvrir toute cette surface, et comment cela pourrait arrêter le temps ? répliqua Karkat.
- Oh, le temps n’est pas arrêté, dit Ewan. C’est un sort peu compliqué qui est utilisé, en fait. Il fait en sorte que les choses ne soient pas altérées par quoi que ce soit. Et il y a plusieurs source d’énergie dans le sous-sol qui contribuent à maintenir se sort. Il ne s’active seulement que quand quelque chose est sur le point d’être détruit ou abîmé.
- On peut donc construire mais pas détruire dans le rayon d’action de ce sort, résuma Rose.
- C’est donc pour cela que vous nous avez menez à cet endroit, déclara Feferi pensivement. La construction d’un nouveau pays au sein même de l’endroit où on ne peu rien détruire. C’est une sorte de joker en cas de problème.
- Oui, de plus je pense que ce sort n’affecte pas que les objets mais aussi les personnes et les idées, mais ce n’est qu’une théorie, offrit M. Ducheux.
- En fait on se ressemble vous savez, constata la jeune Impératrice.
- Nous y sommes, déclara Kanaya, une main sur l’un des battant en bois. »

L’attention se reporta sur la trolle au sang de Jade. Elle ouvrit la porte en un seul geste malgré le fait qu’elle paraisse peser une tonne. Nepeta portait à présent la lampe de Kanaya et s’avança la première dans la pièce. Les autres suivirent, curieux mais prudent.

SKREEEEEEEE !

Le cri fit sursauter tout le monde. Dans la pièce ronde, plongée dans la pénombre et péniblement éclairée par leur trois lampes, une lourde silhouette était allongée au milieu de la pièce. Kanaya s’approcha de la Larve Mère en débitant une litanie de mots apaisant dans sa propre langue. Cela ressemblait à une étrange chanson aux oreilles de Nina.

La Larve Mère étaient aussi blanche que n’importe quel lusus. Son abdomen était long et hypertrophié. Trois paires de courtes pattes pointues y étaient attachées Sa tête étaient allongée, deux grands yeux blancs et luisants fixaient les nouveaux arrivants. Deux cornes partaient de sa tête vers le plafond.

Kanaya câlinait à présent l’immense tête de la Larve Mère. Après quelques minutes de silence ébahi – personne n’avait jamais vu de larve mère – elle reprit la parole.

« Karkat, Eridan, je pense qu’on va avoir besoin de votre aide, dit solennellement Kanaya.
- Hein, de quoi ? Pourquoi est-ce que tu as besoin de mon aide ? J’ai pas le temps avec toute cette merde de paperasse et les entrainements et les patrouilles et j’en passe…
- Karkat, je pense qu’elle pensait à autre chose… tenta Eridan.
- De quoi… Oh merde, non !  Non, non, non, Je ne ferais jamais ça ! Est-ce que tu as perdu la tête Kanaya ? Je ne peux pas, j’ai un putain de sang mutant. Je ne ferais jamais ça à des larves. On ne peut pas laisser des larves rouge bonbon naître. Non, non, définitivement non.
- S’il te plait Karkat, soupira la troll. Il n’y a pas d’autre couple concupiscent dans ce groupe et j’ai besoin de m’assurer que tout va bien avec la Larve Mère avant que nous fassions une déclaration publique. Et de plus, on s’en fiche des castes de sang. Si on veut sauver notre espèce, il va falloir passer outre.
- Je ne suis pas vraiment… commença Eridan.
- Je suis d’accord avec elle, déclara Feferi, laissant son moirail bouche-bée. »

Karkat fit deux pas en arrière se sentant cerné. Il lança un regard désespéré vers les humains.

« Je pense que Kanaya à raison, dit Nina. Tu sais je pense que tout le monde s’en fiche que tu soit un mutant, parce que tu es notre ami un point c’est tout. Et puis ce serait le bon moment pour foutre en l’air toute cette histoire de caste non ?
- Je… »

Karkat ferma la bouche pour ne pas passer pour un idiot et se plongea dans une intense réflexion. Ce n’était pas la première fois qu’il protestait en utilisant sa mutation comme argument. Lorsque Feferi avait décidé de le nommer Capitaine de la garde du Cercle, il avait mis deux jours à accepter. Nina n’aimait pas quand il se dévalorisait de la sorte. Il ne le méritait pas et cette histoire de caste la dérangeait, elle était pour l’égalité après tout.

« Bon, ok, on va faire comme ça, grommela le petit troll. Mais je vous préviens, s’il y a le moindre problème, on arrête tout. Et ça ne va pas plaire à beaucoup d’enfoirés qui trainent dehors, donc j’espère que vous prenez ça en compte dans vos foutus calculs d’utopistes. Parce que je ne serai pas le seul à les défendre, c’est bien compris bande de ravagés du cerveau ? »

Kanaya lui fit un sourire chaleureux et Eridan un sourire en coin.