Gris.

La couleur de votre monde, la couleur de votre néant d’origine ; gris. Gris l’univers, grise votre peau, cache efficacement cette souillure de sang qui parcourt vos veines.

Gris.

Grise votre rage, quand vous vous excitez sur votre ordinateur ; gris vos mots, gris vos phrases qui perdent le sens qu’elles n’ont jamais pu avoir. Vous n’avez jamais pensé à leur en donner. Ce n’est pas comme si c’était très important, n’est-ce pas ?

Gris.

Gris, le signe sur votre habit. Vous ne l’avouerez jamais, mais vous le considérez comme le signe de la décadence. Vous êtes la décadence. Déchéance. Personne ne le sait. Vous ne le direz jamais à personne.

Gris.

Tout était gris jusqu’à ce qu’elle arrive.

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Bleu.

Bleu, c’est bien beau ; mais quelle nuance ? Quelle teinte ? Vous n’avez jamais su le dire. Vous n’avez jamais eu envie de mettre un mot sur cette couleur qui la représente. Cette couleur qui fait partie intégrante d’elle. Ce bleu qui coule long de ses joues quand elle pleure, ce bleu coule dans ses veines. Un doux bleu. Si doux ; vous pourriez sans doute l’observer pendant des heures. La voir pleurer et mourir pendant des heures, tant cette couleur vous plait. Peut-être est-il turquoise, ce bleu ; peut-être est-il comme ce ciel lointain qui n’est ni le sien ni le vôtre.

Ce bleu que vous auriez voulu utiliser pour repeindre les murs de sa chambre, quand elle a commencé à vous dire que ce garçon humain, là, vous ne vous rappelez même pas de son nom… Ce garçon qui parle sans cesse d’ironie. Vous avez eu envie de mettre fin à sa vie – et à la vôtre peut-être, sans doute, même si cela manque de sens – quand elle vous a dit qu’elle l’appréciait. Qu’elle l’appréciait fort, bien fort ; si fort que votre cœur ne l’a pas supporté.

Le bleu si doux est alors devenu sauvage. Et vous avez dû le quitter pour que vos pupilles ne brûlent pas.

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Rouge.

Sans doute la pire couleur au monde. La plus horrible, la plus laide. Rouge. Rouge bonbon ; cette souillure qui coule dans vos veines. Vous avez honte mais ne l’avouerez jamais. Personne ne doit savoir. C’est un mensonge. Elle le sait ; Jack le sait ; trop de gens déjà.

Vous vous détestez. Vous vous détestez parce que ce sang n’existe nulle-part ailleurs, parce qu’il est le plus hideux ; vous détestez cette couleur qui a eut l’idée de venir se loger dans vos artères. Vous vous détestez, vous vous trouvez horrible, monstrueux, mais personne ne le saura jamais ; du moins, vous ne l’avouerez jamais. Tout est caché par le gris de votre univers, le gris de votre peau. Tout est caché par cette couleur que vous aimez et détestez à la fois.

Lui aussi. Son sang aussi est rouge. Vous l’avez vu ; vous l’avez vu, quand il s’est blessé, enfermé dans sa salle de bain. Vous l’avez vu, une lame à la main, les larmes sur les joues, le sang rouge – rouge bonbon, cet horrible qui vous a arraché les yeux – partout sur le sol. Vous l’avez vu et vôtre cœur s’est serré. Vous ne compreniez pas, et maintenant encore, tout ceci vous échappe.

Lui aussi. Lui aussi son sang est rouge ; et quand vous vous êtes vu, vous avez repensez à cela. Vous avez repensé à ses images qui vous ont fait si mal, sans qu’il n’y ait de vraie raison. Une véritable explication. Et vous étiez dégoûté ; dégoûté parce qu’un sentiment que vous ne connaissiez que trop bien, parce qu’elle avait profité de votre faiblesse pour vous faire mal à cause de ce fichu sentiment, s’est insinué en vous. Pour lui. Vous avez été dégoûté par vôtre sang et même si le sien est pareil, vous le trouviez beau. Vous le trouvez toujours aussi beau, alors que vôtre cadavre est à côté du sien, alors que vos sangs respectifs se mélangent ; hideuse et belle, la même couleur pourtant.

C’était gris, c’était bleu et c’est rouge. Vous étiez seul. Il y a eu elle. Il y a lui. Et, alors que vous sentez la vie qui s’échappe, vous approchez votre main de la sienne. Vous la serrez. La serrez fort et l’espace d’un instant, vous avez l’impression qu’il sourit. Vous fermez les yeux à votre tour et votre monde prend les couleurs du bleu quelque peu foncé de ses yeux.